Saumon d’élevage : le Nord de la France frappé de plein fouet
ÀBoulogne-sur-Mer, premier centre européen de transformation des produits de la mer, les volumes de saumon sont en chute libre depuis un mois. La faute à une étude parue le 9 janvier dans le journal Science, qui concluait à la toxicité du saumon d’élevage ( lire nos éditions précédentes). Les consommateurs, et par ricochet les distributeurs, ont réduit leurs commandes de saumon, malgré la recommandation réitérée faite par l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa), qui encourage à la consommation de ce poisson. « La sanction a été immédiate», explique Thierry Mainsard, de la société de négoce Direct Océan, premier importateur français de saumon avec 12.000 tonnes par an (10% du marché hexagonal). « Les deux semaines suivant la parution de l’étude, nous avons eu une baisse des ventes de 70% par rapport à la même période en 2003. Aujourd’hui on est encore à moins 50%. On souffre car nous ne faisons que du saumon», ajoute-t-il. Pour Franck Cornet, directeur commercial de PRF (négoce et filetage) où transitent 5 à 6 tonnes de saumon par semaine, cela a été « catastrophique. Il a fallu mettre à la poubelle 1,5 tonne de saumon». Selon lui, il faudra plusieurs mois avant de retrouver une activité normale.
Des conclusions très contestées
Chez Nordsea, qui importe 2.500 à 3.000 tonnes par an de saumon, l’impact a été légèrement moindre, le poisson étant surtout destiné aux industriels du fumé. Frédéric Lefour, gérant de l’entreprise, déclarait ainsi avoir perdu 25% de son chiffre d’affaires en janvier par rapport à 2003. « Le fumé a été touché, mais moins fortement et plus tardivement que le frais. Il y a de la retenue chez les clients« fumeurs «, et puis la conservation est plus longue, on peut stocker», explique-t-il en espérant un retour à la normale au printemps.
Élément déclencheur de cette crise du saumon, l’étude parue le 9 janvier fait s’élever beaucoup d’interrogations dans la filière. C’est plus le battage médiatique qui est remis en cause que les résultats eux-mêmes, qui n’apportent aucun élément nouveau. M. Lefour, gérant de Nordsea, considérait que l’étude publiée par Science était « une opération de lobbying des producteurs américains pour écouler leurs stocks de saumon sauvage, de très moyenne qualité, destiné à la consommation très bon marché». Jacques Deram, négociant depuis 20 ans à Boulogne, estimait que « cette étude pseudo-scientifique est une entreprise déloyale destinée à privilégier les entreprises américaines. Il faut faire une campagne publicitaire pour dire que tout cela n’est pas sérieux», concluait Guy Lengagne, député PS de Boulogne-sur-Mer et ancien secrétaire d’Etat à la Mer.