Sallebœuf
Le boucher de Sallebœuf…On croirait que c’est exprès, un nom comme ça. Reconnaissons que ça n’arrange rien, d’être boucher à Sallebœuf, quand on pourrait l’être par exemple à Bonnétable. Evidemment, ce fâcheux exemple ne sert pas la très estimable corporation de la boucherie, qui s’insurge qu’on se serve du mot pour décrire un épisode un peu sanglant. Hélas, les bouchers ont contre eux un usage constant et fort ancien. Froissart, Joinville, Bercheure au Moyen-âge l’utilisent déjà dans ce sens. Et aussi Jean Juvénal des Ursins, archevêque de Reims où il sacra Louis XI, qui écrivait d’un capitaine des armées de Charles VI : «on l’appelloit le boucher, pource que, à besongnes où il estoit contre les Anglois, il en prenait peu à rançon» - on suppose qu’il est inutile de traduire. C’est qu’on avait l’épée expéditive en ce temps là, qu’on devait venger Azincourt, la Normandie devenue anglaise et le sacre impie de Henri V au trône de France. Le boucher de Sallebœuf eut été alors un héros, le roi français l’eût appelé mon cousin, et La Hire chevaucherait à ses côtés sous l’étendard de Jeanne. La justice du peuple, dans son immémoriale sagesse, a dû pressentir ce grand destin brisé.