Retour à la graine de moutarde en Bourgogne
La moutarde n’a souvent de Dijon que le label, mais des fabricants bourguignons tentent de relancer la culture de la plante, abandonnée dans les années 50, et d’obtenir une appellation protégée pour la «moutarde de Bourgogne». « La moutarde française est produite à 95 % en Bourgogne. Mais ce sont le Canada et les pays de l’Est qui nous ont approvisionnés en graines pendant des décennies», explique François Depuydt, chef du service agronomie à la chambre d’agriculture de Côte d’Or. Les agriculteurs bourguignons « avaient délaissé les graines au profit du colza, car elles ne donnaient pas droit aux aides européennes». Mais le Canada ayant changé de débouché pour ses graines, la Bourgogne a dû se reprendre en mains. Depuis le début des années 90, industriels et producteurs ont tenté de reconstruire une véritable filière, avec l’aide des collectivités locales.
« Jusqu’à cette année, on en était au stade expérimental, avec de nombreuses subventions publiques. Les industriels se sont maintenant engagés sur des volumes de production, nous espérons atteindre un équilibre», déclare M. Depuydt. Quelque 120 agriculteurs se sont placés sur ce créneau. Cette année ils devraient avoir récolté 1 700 à 1 800 tonnes de graines et 5 000 tonnes en 2008. « Les coûts ici ne sont pas supérieurs. L’avantage est que l’on maîtrise la graine de A à Z. La seule incertitude porte sur les aides» financières de la communauté, selon Jean-Marie Woehly, responsable des achats de cette matière première pour l’Europe chez Unilever. Le groupe, qui possède la société Amora-Maille, concentre en Bourgogne sa plus importante production européenne de sauces et condiments.
Traçabilité, et retour au terroir: c’est dans le droit fil de ces idées dans l’air du temps qu’Unilever, associé à deux autres fabricants, Européenne de condiments et Fallot, ont déposé l’an dernier un dossier afin d’obtenir une indication géographique protégée (IGP) «moutarde de Bourgogne». « Le nom +moutarde de Dijon+ est devenu générique, il ne correspond qu’à un procédé», explique Marc Désarménien, directeur général des Etablissements Fallot, la dernière maison familiale indépendante en Bourgogne, établie à Beaune. « Nous avons ressorti une appellation ancienne, +moutarde de Bourgogne+, que l’on a retrouvée sur des étiquettes du XIXe siècle», raconte-t-il.
Celle-ci correspond à une moutarde forte ou extraforte « à la pâte plus onctueuse et à la saveur plus prononcée», d’après M. Désarménien. Elle doit être constituée de graine cultivée en Bourgogne et de verjus des vignes de Bourgogne. Le dossier d’IGP est en cours d’instruction entre la France et la Commission européenne. La reconnaissance pourrait être obtenue d’ici 2006.