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Regroupement de l’offre et concurrence : l’éternelle quadrature du cercle

Tel Phénix renaissant de ses cendres, le débat entre agriculture et concurrence ne cesse d’afficher ses contradictions depuis bientôt soixante ans. Un mal dont le syndrome se manifeste une fois de plus.
Les sages qui ont écrit le traité de Rome savaient bien que l’agriculture constituait un secteur à ce point particulier qu’il ne pouvait être soumis aux mêmes règles de concurrence que l’industrie, le commerce et les services : c’est pourquoi l’on trouve encore dans l’actuel traité une disposition (article 42 du TFUE(1)) selon laquelle les règles de concurrence ne sont applicables à la production et au commerce des produits agricoles que dans la mesure définie par le Conseil (et, aujourd’hui, le Parlement européen) : l’application de ces règles ne devait être que l’exception. Mais dès 1962, ils ont perdu la partie devant la volonté de puissance de la Commission qui a fait adopter par le Conseil un règlement inverse : les règles de concurrence devenaient applicables aux produits agricoles, sauf exceptions acceptées par la Commission. Ce qui était la règle est devenu l’exception, contrôlée non plus par les élus, mais par l’administration communautaire, emprunte d’une philosophie économique dévouée au marché libéral.
Depuis lors, les déconvenues n’ont pas cessé : la contractualisation prônée par la loi de 1964 (art. L.631-1 et suivants du code rural) a été sapée par l’interdiction fulminée à Bruxelles et Luxembourg de toute négociation interprofessionnelle du prix, tout comme l’ont été les contrats-types qui devaient constituer les principaux outils des interprofessions de la loi de 1975 (art. L.632-1 et suivants).
L’OCM(2) unique, comme les règlements dont elle est issue, préconise pourtant le regroupement de l’offre dans le cadre d’organisations de producteurs (OP) et d’associations les réunissant (AOP). Critiquant le manque d’organisation de la filière agricole en annonçant ce qui allait devenir la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, Nicolas Sarkozy tonitruait en 2009 : « La moitié seulement des 300 000 exploitations françaises de fruits et légumes adhère à une organisation de producteurs […] Et […] pour cette moitié-là, nous avons en France 285 OP. Est-ce raisonnable ? Le tout pour cinq enseignes de distribution ! Je ne l’accepterai pas ». Mais notre président avait-il seulement connaissance de la position des autorités indépendantes ?

Le soupçon de position dominante abusive

Dans son avis du 7 mai 2008, le Conseil de la concurrence s’était montré favorable à une nouvelle organisation économique de la filière fruits et légumes afin de renforcer le pouvoir de marché des producteurs face aux distributeurs et de réduire le caractère aléatoire de l’offre, mais à la condition qu’ils conservent une réelle autonomie (c'est-à-dire qu’ils ne se concertent pas) dans leur politique de prix ; il relevait que si l’OCM autorisait les échanges d’informations sur les volumes et les prix afin de limiter le caractère aléatoire de l’offre dû aux spécificités du secteur, la « manipulation » des prix à effet anticoncurrentiel ne pourrait être tolérée ; il invitait enfin les autorités à veiller à ce que ce regroupement de l’offre ne génère en aucun cas des situations de position dominante susceptibles d’abus. Quel producteur aurait alors imaginé risquer un tant soit peu de se retrouver en une telle position face à la grande distribution ?
Ce sont pourtant exactement ces griefs qui sont aujourd’hui formulés à l’encontre de l’organisation économique de l’endive, comme si ce noble bourgeon n’était pas éminemment substituable : un raisonnement inadapté que la profession agricole n’est pas encore parvenue à faire évoluer. La future Pac avancera-t-elle des solutions ? Le ministre le croit.

(1) TFUE : traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.
(2) OCM : organisation commune de marché.
Rédaction Réussir

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