Réforme viticole : « l'important, c'est le consommateur »
LM : Pensez-vous qu'autoriser l'utilisation des copeaux de bois (y compris pour les AOC qui le veulent) et légaliser l'irrigation vont redonner de la compétitivité aux vins français à l'export ou leur permettre de répondre aux attentes du marché ?
Bernard Magrez : Les copeaux, à mon avis, sont une bonne chose pour les vins de pays et les vins de table. Pour tous les vins du monde, c'est déjà acquis. Nous avons beaucoup trop tardé en France. Pour les AOC bordelaises, je ne suis pas contre. Une bonne utilisation des copeaux peut améliorer la typicité des petits bordeaux (vendus à 3 ou 4 dollars aux Etats-Unis). Elle ne peut être que bénéfique. Je parle pour Bordeaux et les vins d'appellation du Languedoc. Ensuite, je pense qu'il ne faut pas forcément l'interdire aux grands crus.
LM : Vous le feriez pour vos Châteaux ?
B.M. : Peut-être pas sur les Châteaux mais chacun peut faire ce qu'il veut. La généralisation des copeaux en Europe va de toute façon amener les fabricants de copeaux à faire des progrès.
LM : Et l'irrigation, vous êtes pour ?
B.M. : Oui. Tous les concurrents de nos vins de pays y ont recours en dehors de la France. Dans mes vignobles à l'étranger, je vois bien comment je fais. Notre marque de Napa Valley est vendue à 100 dollars et on irrigue. En Espagne, on irrigue, c'est obligatoire. Avec l'irrigation, les gens peuvent se tromper une fois, mais pas deux. Cela peut-être raisonné d'irriguer au mois d'août comment on le fait au Maroc.
LM : Vous ne pensez pas qu'irriguer risque d'aggraver les problèmes de surproduction ?
B.M. : Si on fait de la surproduction c'est que le rendement hectolitre par hectare est trop élevé.
LM : Permettre la désalcoolisation des vins dans la limite de 2°, est-ce une bonne mesure pour répondre à la demande de la clientèle féminine ?
B.M. : L'important c'est le consommateur. Il ne faut pas donner satisfaction à des responsables de régions viticoles qui sont là plus pour des raisons politiques qu'autre chose. En faisant des vins rouges à plus faibles rendements et qui sont vendangés au dernier moment, on obtient des vins qui ont plus de sucre, plus de tannins et qui sont plus ronds. Mais en allant chercher la maturité, on concentre le sucre et on arrive à des degrés importants, des 14-14,5°, ce n'est pas l'idéal. Ca peut faire peur à des consommateurs, et on ne veut surtout faire peur à aucun consommateur. A partir de 13°, ça commence à faire beaucoup. Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas désalcooliser.
LM : Pour encourager les ventes à l'étranger, Dominique Bussereau a annoncé le lancement d'une marque et d'un logo France. Pensez-vous que cela puisse contribuer à faire la promotion de certains produits ou marques françaises à l'export ?
B.M. : C'est fondamental : tous ceux qui nous prennent des parts de marché en Angleterre ont des étiquettes qui se ressemblent et ils n'ont pas peur de mettre Nouvelle-Zélande, Australie ou Argentine. Ne pas mettre France en haut de nos bouteilles relève de la schizophrénie. Dès que j'ai l'autorisation de mettre France sur mes vins du Languedoc, je le mets partout. Immédiatement. Même sur Pape-Clément où je mets déjà Bordeaux en grand et gras. De même si je pouvais mettre les deux principaux cépages sur l'étiquette, je les mettrais tout de suite. Il ne faut pas regarder le consommateur dans le rétroviseur. Maintenant, le consommateur change tous les deux ans. Avec la réglementation de barbare que nous avons, nous scions la première branche sur laquelle nous sommes assis puis la deuxième, puis la troisième...
LM : Selon vous quelles sont les clés de la réussite à l'export ?
B.M. : Une équipe commerciale et un budget pour la dynamiser.