Réforme du droit des obligations et contrats agricoles
Une précédente chronique a évoqué la réforme du droit des obligations, entrée en vigueur le 1er octobre, en retraçant sa genèse et en évoquant le nouveau rôle du juge. Il n’est pas inutile d’examiner certaines de ses dispositions au regard des contrats de vente de produits agricoles.
Les contrats de vente de produits agricoles font l’objet, pour l’essentiel, des articles L.631-24 et suivants du Code rural (en cours de modification par la loi Sapin 2), dont les dispositions, d’ordre public, ne devraient pas être mises en cause par le nouvel ordonnancement juridique résultant, dans le cadre du Code civil, de l’ordonnance du 10 février 2016. Cependant, celle-ci, qu’elle innove ou qu’elle rappelle le droit positif issu de la jurisprudence, appelle pour le praticien des contrats agricoles un certain nombre d’observations.
Contrat d’adhésion
Il en est ainsi de la notion de contrat d’adhésion, dont le nouvel article 1190 du Code civil nous dit qu’il s’interprète contre celui qui l’a proposé, et l’article 1171, que les clauses qui créeraient un déséquilibre significatif devront être annulées : un tel contrat d’adhésion peut résulter de conditions générales de vente, de cahiers des charges ou de dispositions sans caractère réglementaire édictées par une partie sans être négociées. Il est courant qu’un déséquilibre soit invoqué au regard du prix, mais la loi précise que l’appréciation ne doit porter ni sur l’objet principal du contrat, ni sur l’adéquation du prix à la prestation. On peut cependant penser à d’autres conventions, par exemple certaines clauses d’agréage qui mettent le vendeur devant le fait accompli à destination ou comportent des délais abusifs.
S’agissant du prix, l’ordonnance comporte deux mécanismes nouveaux. L’article 1223 du Code civil permet à l’une des parties, après mise en demeure, d’accepter une exécution imparfaite en sollicitant une réduction proportionnelle du prix et même de notifier unilatéralement sa décision de réfaction. De la même manière, l’article 1164 permet que, dans un contrat-cadre, le prix fasse l’objet d’une fixation unilatérale, à charge pour la partie qui en use de justifier et motiver le prix retenu. Certes, tout cela s’opérera sous le contrôle du juge, mais on voit tout l’avantage que la partie qui en usera pourra tirer de ces dispositions (notamment, mais pas seulement, lorsque les montants en jeu seront minimes).
Les contractants devront par ailleurs être particulièrement vigilants quant aux dispositions relatives à la prorogation (article 1213), au renouvellement (article 1214) ou à la tacite reconduction (article 1215) du contrat : elles paraissent peu adaptées aux exigences spécifiques des produits agricoles, de sorte qu’il sera toujours préférable d’inclure dans les contrats des dispositions particulières.
Théorie de l’imprévision inscrite au Code civil
La théorie de l’imprévision, qui permet de demander la renégociation d’un contrat en cas de changement de circonstances imprévisible lors de sa conclusion, fait l’objet de l’article 1195 nouveau du Code civil. Dans un tel cas, lorsque l’exécution du contrat serait excessivement onéreuse pour l’une des parties, celles-ci peuvent être appelées à renégocier et, en cas d’échec, le juge peut réviser le contrat ou y mettre fin. Cette disposition doit s’articuler avec celle de l’article L.441-8 du Code de commerce qui, pour les ventes de certains produits agricoles, introduit un mécanisme de renégociation en cas de fluctuations des prix des matières affectant significativement les coûts de production, et avec lequel elle ne fait pas double emploi.
Enfin, le mécanisme des restitutions après résolution du contrat, qui a suscité de nombreux débats et une jurisprudence nourrie, spécialement en cas de nullité des contrats d’intégration, fait l’objet des nouveaux articles 1352 et suivants, qui devraient fixer les modalités d’évaluation. Notons que la valeur de la chose qui ne pourra être restituée sera appréciée différemment selon la bonne ou mauvaise foi du débiteur de la restitution : prix de vente initial dans le premier cas, valeur au jour de la restitution dans le second.
LE CABINET RACINE
Racine est un cabinet d’avocats indépendant spécialisé en droit des affaires. Avec un effectif total de deux cents personnes en France (Paris, Bordeaux, Lyon, Marseille, Nantes, Strasbourg et Saint-Denis de La Réunion), il réunit près de soixante-dix avocats et juristes à Paris. Il dispose également d’un bureau à Bruxelles et à Beyrouth.
Bruno Néouze, associé, y traite avec son équipe les questions relatives à l’agriculture et aux filières agroalimentaires. Il conseille et assiste de nombreuses entreprises agroalimentaires et organisations professionnelles et interprofessionnelles agricoles.
Racine - 40, rue de Courcelles - 75008 Paris - www.racine.eu