Réforme du droit des contrats : pouvoirs accrus pour le juge
La réforme du droit des contrats doit entrer en vigueur le 1er octobre 2016. Pour cela, il fallait qu'un projet de loi de ratification de cette ordonnance soit introduit devant le Parlement dans les six mois de sa publication au Journal officiel, ce qui a été fait par le gouvernement le 6 juillet dernier. Particularité de la procédure législative lorsque le droit est modifié par ordonnance, le simple dépôt d'un projet de loi suffit à permettre l'entrée en vigueur du texte, quand bien même la ratification de l'ordonnance interviendrait postérieurement à son entrée en vigueur. Or, dans ce cadre, le législateur a la possibilité d'apporter au texte de l'ordonnance toutes les modifications qui peuvent lui paraître nécessaires. La procédure de ratification n'est absolument pas assimilable à un vote bloqué.
Le nouveau texte doit s'appliquer aux contrats conclus après le 1er octobre 2016, ce qui est conforme au principe général de droit qui veut que la loi ne soit jamais rétroactive. Il faut toutefois réserver le cas des contrats en vigueur au 1er octobre et qui seront renouvelés postérieurement à cette date, que ce soit par la volonté expresse des parties dont le contrat est arrivé à terme, ou par l'effet d'une clause de reconduction tacite. Le renouvellement d'un contrat, étant classiquement considéré comme un nouveau contrat, doit logiquement entraîner l'application à celui-ci du droit issu de l'ordonnance. Par ailleurs, l'ordonnance instaure, dans trois situa-tions dans lesquelles un doute peut exister entre les parties, une faculté de lever ce doute qui pourra s'appliquer aux contrats nés antérieurement au 1er octobre comme à tous les autres.
La renégociation privilégiée
Le nouveau texte comporte des modifications très importantes qui paraissent symptomatiques de la philosophie sous-entendue par celui-ci. En cas d'inexécution « suffisamment grave », le nouvel article 1224 habilite le créancier à notifier la résolution du contrat, sauf à saisir le juge aux mêmes fins. Une mise en demeure sera nécessaire sauf urgence, et c'est bien entendu le juge qui devra déterminer dans quels cas cette mise en demeure n'est pas nécessaire, et ce qu'est une inexécution « suffisamment grave ». Auparavant, la loi imposait le recours au juge, mais la jurisprudence validait des résolutions fondées sur le comportement du créancier. La référence à un manquement suffisamment grave apparaît aujourd'hui comme une cause objective de la résolution.
Nous nous devons d'évoquer également le cataclysme que constitue la remise en cause de l'intangibilité du contrat en cas d'imprévision. Le Code civil de 1804 ayant pensé le contrat comme la « chose des parties », il n'entrait pas dans les pouvoirs du juge de le modifier en quoi que ce soit, lorsqu'une stipulation avait été omise par les parties, et surtout lorsqu'une convention était si ancienne qu'elle appelait une mise à jour refusée par une partie. Cette solution jurisprudentielle établie depuis 140 ans est remise en cause par le nouveau texte qui, privilégie en premier lieu la renégociation, le juge n'étant saisi que dans un second temps, soit par les deux parties, soit même par une seule, pour réviser le contrat ou y mettre fin à la date et aux conditions qu'il fixerait.
Un contrat adaptable
Le Code civil voit aussi l'entrée de la notion de déséquilibre significatif pour les contrats d'adhésion. De telles clauses sont « réputées non écrites », ce qui devra être constaté par un juge. Or, dans la mesure où le droit de la consommation, d'une part, connaît déjà d'une telle notion à travers la réglementation des clauses abusives et l'importante pratique décisionnelle qui en résulte, et où, d'autre part, la notion a également pris rang et importance parmi les pratiques restrictives entre professionnels, on peut se demander qui seront les bénéficiaires de ce nouveau principe général de droit, et pourquoi l'avoir limité aux contrats d'adhésion ?
Nous passons là d'un contrat intangible, sauf accord des parties, à un contrat en prise avec les circonstances et adaptable, dans la vie duquel le juge est présent.
Fort d'une expérience de plus de vingt-cinq années dont vingt ans au sein du cabinet LPLG Avocats, dont il fut associé, Maître Didier Le Goff a créé en 2016 une structure dédiée à l'entreprise et à l'écoute de ses besoins, pour lui proposer des services adaptés, en conseil ou contentieux. Titulaire d'une mention de spécialisation en droit de la propriété intellectuelle, Maître Didier Le Goff a développé une compétence générale en droit économique qu'il enseigne en mas-ter II Droit du marché de l'université de Nantes, avec une prédilection pour l'agroalimentaire tant en droit national qu'européen ou international. Contact : dlegoff.avocat@gmail.com