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Publicité comparative : comparer ce qui est comparable

Didier Le Goff
© DR

Entrée dans notre droit il y a un quart de siècle, la réglementation de la publicité comparative a toujours suscité méfiance et réserves, notamment du côté de notre administration qui n’y était pas favorable.

Rappelons, en effet, qu’avant l’arrivée de cette réglementation, les différends se réglaient par l’action en concurrence déloyale entre les belligérants. Ce qui montre bien que le problème posé par une publicité perçue comme illicite est avant tout un problème commercial lié à l’avantage prétendument indu que tirerait un concurrent d’une telle communication, avant d’intéresser le consommateur destinataire du message qui, pourtant, est (malgré lui ?) au centre de cette communication. Ce n’est donc pas un hasard si, encore aujourd’hui, ce sont quasiment toujours des concurrents qui l’invoquent, alors que cette réglementation participe du droit de la consommation.

Et force est de constater qu’il s’agit d’un type un peu particulier de publicité, que la loi situe à mi-chemin entre la publicité proprement dite et l’information du consommateur. Pour cette raison, la publicité comparative licite ne doit, bien sûr, pas être trompeuse pour le consommateur, mais également être objective, et porter sur des caractéristiques « essentielles, significatives, pertinentes et vérifiables », entre autres conditions de validité.

L’affaire Carrefour-Intermarché

En 2012, l’enseigne Carrefour avait diffusé une publicité télévisée qui comparait les prix d’un certain nombre de ses produits à ceux de ses concurrents, offrant au consommateur de lui rembourser deux fois la différence s’il trouvait moins cher ailleurs. Dès le deuxième spot, l’enseigne Intermarché, dont les produits étaient systématiquement plus chers d’après le relevé de prix, s’aperçoit de ce que les magasins Intermarché sélectionnés pour la comparaison étaient tous des supermarchés, tandis que les magasins Carrefour étaient tous des hypermarchés, mais cette précision n’était accessible uniquement le site Internet de Carrefour.

L’affaire est élevée au plan judiciaire devant le tribunal de commerce de Paris qui considérera, comme Intermarché, qu’une information précise du consommateur des conditions de réalisation du relevé de prix doit faire partie du message, puis devant la cour d’appel de Paris qui posera trois questions préjudicielles à la Cour de justice de l’Union européenne.

La première question est de savoir si la technique utilisée doit être regardée comme trompeuse au regard de la directive sur la publicité comparative. La deuxième question consiste à déterminer si le fait que les magasins dont les prix sont comparés soient de taille et de format différents constitue une information substantielle devant nécessairement être portée à la connaissance du consommateur. S’il est répondu oui à la deuxième question, quel doit être le degré ou le support de diffusion de cette information au consommateur était la troisième question.

Une décision salutaire

Comme d’usage, la Cour de justice appréhende ces questions en combinaison les unes avec les autres, et répond qu’est susceptible d’être illicite une publicité telle que celle en cause, comparant les prix de produits vendus dans des magasins de taille ou de format différents, lorsque ces magasins font partie d’enseignes possédant chacune une gamme de magasins de taille et de format différents. Et que l’annonceur compare les prix des magasins de format supérieur de son enseigne à ceux pratiqués dans les magasins de taille ou de format inférieurs des enseignes concurrentes… À moins que les consommateurs ne soient informés, de façon claire et par le message publicitaire lui-même, des conditions réelles de réalisation des relevés de prix. (CJUE 8 février 2017, affaire 562/15).

S’il ne fait aucun doute que cette décision est salutaire et utile pour les opérateurs et pour le juriste chargé de valider de tels montages promotionnels, il n’est, en revanche, pas certain qu’elle simplifie la vie du consommateur, ou qu’elle lui permette de prendre une décision d’achat plus éclairée, tant il reste certain qu’aujourd’hui comme hier, toute communication sur un prix bas produit un effet tellement attractif sur lui que toute autre information dans un même message se trouve neutralisée.

C’est d’ailleurs précisément la raison pour laquelle la quasi-totalité des publicités comparatives comparent des prix, alors que la loi permet d’autres comparaisons.

Nous allons tout de même vers le mieux.

Maître Didier Le Goff

Fort d’une expérience de plus de 25 années dont près de 20 ans comme associé d’un cabinet parisien de premier ordre tourné vers le droit commercial et la vie des affaires, Maître Didier Le Goff a créé, en 2016, une structure dédiée à l’entreprise pour lui proposer des services adaptés, en conseil ou contentieux. Titulaire d’une mention de spécialisation en droit de la propriété intellectuelle, il a développé une compétence générale en droit économique qu’il enseigne en Master II Droit du marché de l’université de Nantes, avec une prédilection pour l’agroalimentaire tant en droit national qu’européen ou international.

18, av. de l’Opéra, Paris Ierwww.dlegoff-avocat.fr

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