Précaution
Le monde agricole n’en a pas fini avec le principe de précaution. Indéniablement, ce concept, qui s’est imposé comme préalable à l’action publique dans un nombre croissant de domaines, a pesé lourd dans la décision d’Hervé Gaymard d’interdire le gaucho sur le maïs. Quelques jours plus tôt, le principe de précaution avait fait un retour en force à la faveur de la levée du moratoire sur les OGM. L’inquiétude aidant, l’invocation rituelle de ce concept est venue contaminer tout le champ des formations politiques, comme par un phénomène de dissémination qu’en l’occurrence, le principe de précaution entend prévenir ! Et ses beaux jours sont encore devant lui. D’aimable principe intellectuel, le principe de précaution devrait être bientôt érigé en principe constitutionnel au cœur de la charte de l’environnement que le président de la République souhaite accoler à la Constitution. Les députés en ont débattu cette semaine à l’Assemblée nationale et adopté un article qui prévoit que les autorités veillent « dans leurs domaines d’attribution » à tout mettre en œuvre « lorsque la réalisation d’un dommage, bien qu’incertaine en l’état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement ». Cette référence souffre du flou persistant qui entoure les domaines d’application du principe de précaution. Les parlementaires s’en sont bien rendu compte. Ils ont été nombreux à souligner les dérives que porte en germe le l’usage excessif de la précaution : paralysie de la recherche appliquée, multiplication des procédures judiciaires, isolement de la France sur un marché ouvert. Comme s’est justement indigné un député, « comment expliquer aux pays du tiers-monde que nous nous constituons une bulle pour pays riche ?»