Pratiques déloyales: bilan mitigé de la directive européenne
La Directive n°2005/29/CE du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur poursuivait un double objectif : garantir un niveau élevé de protection des consommateurs, et renforcer la sécurité juridique des entreprises.
Elle faisait suite à une tentative de règlement sur les promotions qui n’a jamais vu le jour en raison de l’opposition de certains États membres. Alors que des États membres sont depuis longtemps très protecteurs du consommateur, ce qui est le cas de la France, d’autres étaient très en retrait. L’objectif était donc de convenir d’un niveau d’harmonisation minimal qui permette à chaque État membre de faire un pas vers l’autre, à charge, pour les pays les plus avancés, de « lâcher du lest ». Il faut dire que le droit français encadrait les montages promotionnels les plus courants par un principe d’interdiction sauf exception, qu’il s’agisse des ventes avec primes gratuites, des ventes jumelées, voire des loteries publicitaires, sans préjudice, de l’interdiction de revente à perte aux consommateurs qui constitue, en quelque sorte, le quatrième pilier de l’interdiction.
Dans un tel contexte, les premières jurisprudences communautaires sur la compatibilité du droit des États membres à la directive ont été largement commentées. La directive prévoit en effet une liste de 31 situations qui sont toujours interdites en raison de leur particulière déloyauté. Il en résulte qu’une pratique commerciale qui ne rentre pas strictement dans ce cadre est présumée licite, sauf si elle correspond à une pratique commerciale déloyale qui ne respecte pas les principes de la diligence professionnelle et est susceptible d’altérer le comportement commercial du consommateur.
Des situations analysées au cas par cas
Dans l’esprit des rédacteurs de la directive, c’est au cas par cas qu’il faut alors analyser les situations. Depuis 2009, la Cour de Justice de l’Union a eu l’occasion de se prononcer sur la loi belge des ventes avec primes, des ventes liées et plus récemment de l’interdiction de revente à perte (ordonnance du 7 mars 2013), et sur la loi allemande sur les loteries pour considérer que ces règlementations qui posaient un principe d’interdiction pour des situations qui n’entrent pas dans les 31 pratiques toujours interdites étaient non-conformes à la directive.
Le droit français étant très proche de ces législations analysées par le Juge communautaire, il y avait donc lieu de le modifier en conséquence. Mais au final, en 2011, le droit français n’a été modifié qu’à la marge puisque le principe d’interdiction de ces pratiques sauf dérogation a été conservé par la loi, à laquelle le législateur français s’est borné à ajouter la précision selon laquelle ladite pratique est interdite lorsqu’elle constitue une pratique commerciale trompeuse.
Cette rédaction s’inscrit dans le contexte français d’une administration centralisée qui considère que tout ce qui n’est pas expressément autorisé est interdit, alors que la directive, d’inspiration anglo-saxonne, postule le contraire !
Insécurité juridique en France
Il en résulte que pour les opérateurs, la liberté qu’on croyait acquise dans les montages publicitaires ne sera bien souvent qu’un leurre.
Si nous prenons l’exemple de la vente jumelée, soit l’opérateur se borne à monter sa vente exactement comme avant la directive, soit il prend le parti d’être audacieux et risque d’avoir à prouver devant le Juge que la pratique qu’il a mis en œuvre n’est pas déloyale. Ce qui, en tout état de cause, supposera une joute judiciaire et beaucoup de temps et d’argent pour montrer qu’il a raison, s’il triomphe, ce qui n’est pas certain.
Cette rédaction se singularise donc par l’insécurité juridique qui en résulte pour les opérateurs.
Il est certain qu’en France, un règlement, d’application immédiate sans transposition, aurait été préférable à une directive insuffisamment transposée.