Peurs dans l'assiette
Charcuterie cancérogène, viande rouge « probablement » cancérogène, fromage addictif (à cause de la casomorphine), pâtes et riz emballés dans du carton contaminé aux huiles minérales… L'alimentation a fait la une des journaux cette semaine. Alors que des milliers de Syriens continuent de fuir leur pays, que l'intifada des couteaux se poursuit à Jérusalem et qu'à l'approche de Cop 21, les experts tentent de mobiliser l'opinion publique sur les conséquences du changement climatique, l'alimentation semble paradoxalement le sujet le plus anxiogène du moment. Du moins du côté des pays développés (n'oublions pas que, selon la FAO, quelque 800 millions d'êtres humains ont faim actuellement dans le monde). Comment analyser ce phénomène ? Certes, c'est le travail des chercheurs de se pencher sur le lien entre l'alimentation et la santé (et c'est tant mieux) et l'essence même des ONG de dénoncer certaines pratiques (avec des messages parfois excessifs). Mais pourquoi les médias en font-ils autant leurs choux gras ? Sûrement parce que la peur fait vendre. D'autant plus quand elle touche des éléments du quotidien. Ce qui est étonnant, c'est que les consommateurs se laissent encore apeurer par les risques liés au contenu de leur assiette, alors qu'une solution simple suffirait à les prémunir de quasiment tout danger : manger équilibré et diversifié. Un message que devrait davantage véhiculer l'industrie agroalimentaire en même temps que la notion de plaisir, à faire primer sur l'anxiété. Mais sa parole porterait plus si elle était soutenue par le ministère de la Santé. Au lieu d'imposer des pastilles rouges sur les produits les moins bons sur le plan nutritionnel, le gouvernement devrait renforcer sa communication sur ce que manger équilibré veut dire… « À force de mettre tous les risques sur le même plan, on inquiète, on affole et on ne mène pas les vrais combats », a déclaré elle-même Marisol Touraine la semaine dernière sur iTélé. Se pourrait-il qu'elle change d'avis sur l'étiquetage nutritionnel à la veille de la rédaction du décret ?