Pêche : la tension n’est pas retombée en Bretagne
Entre amertume, colère et désespoir, les pêcheurs de la baie de Saint-Brieuc, un mois après leur grève, n’attendent «rien» de l’Union européenne (UE) dont les ministres de la Pêche se réunissent aujourd’hui à Luxembourg. «Ca va “re-péter”. On a tous le couteau sous la gorge et on n’a plus rien à perdre», assure un patron pêcheur qui requiert l’anonymat. «Les cours sont encore plus bas qu’auparavant. On voit bien qu’on est en train de nous faire payer notre mouvement de grève», estime ce propriétaire d’un chalutier côtier (pêche à la journée) d’une dizaine de mètres. Les pêcheurs français, rejoints ensuite par leurs collègues de plusieurs pays européens, sont restés à terre pendant plusieurs semaines en mai et juin pour protester contre la chute de leurs revenus liée notamment à la hausse des cours du pétrole. «Le moral n’est pas bon. On essaie tous de faire des efforts pour réduire notre facture énergétique mais ça ne se fait pas en un jour! Il nous faut un gas oil à 30 centimes à la pompe, et pas 'l’usine à gaz' qu’ils sont en train de nous monter à Bruxelles», s’emporte Yann Thomas, président du comité des pêches de la baie et patron d’un côtier.
Les prix ne remontent pas
«Les gens en ont ras le bol. Ils n’ont pas la tête à ça», commentait vendredi Georges Touret, président de l’Institut maritime de prévention (IMP), venu animer à Saint-Quay Portrieux une réunion sur la sécurité en mer d’où les pêcheurs, premiers concernés, étaient étrangement absents. Le bilan sécurité est pourtant désastreux depuis le début 2008: 15 marins morts ou disparus.
«Nos unités continuent à travailler à perte. Ca ne peut pas durer longtemps», constate Laurent Suet, directeur de l’armement coopératif Acarmor qui pratique la pêche hauturière. «Malgré le peu d’apport en criée, les prix du poisson ne remontent pas. Les pêcheurs ont l’impression de se faire manipuler partout, que ce soit par l’économique ou par le politique (…) On a eu tellement de promesses non tenues qu’il y a de gros doutes aujourd’hui», ajoute-t-il.
«Le volet social en faveur des équipages est déjà un bien mais la question de l’organisation du marché devra être examinée posément», assure-t-il, en s’étonnant que les prix d’achat, en criée, puissent «être imposés par les distributeurs eux-mêmes».
Certains n’hésitent pas à dénoncer une forme de «chantage» exercée par la grande distribution qui effectue ses achats directement en criée, sans passer par les intermédiaires habituels. Le poisson acheté à un cours inférieur au prix de revient de la pêche ferait ensuite l’objet de «promotions» permettant aux seules grandes surfaces de dégager des marges substantielles. «C’est ça, ou ils vont acheter ailleurs. Au magasin, ça sera étiqueté +pêché en Atlantique nord-est+. Mais l'+Atlantique nord-est+, c’est vaste et ça va bien au-delà de la pêche bretonne», assure le patron pêcheur.