Pêche française : « il y a encore des réformes à faire »
LM : Au ministère de l’agriculture, vous avez contribué à établir le plan d’avenir de la pêche. Aujourd’hui, à la tête de l’Ofimer, vous allez le mettre en œuvre. De quelle manière ?
Michel Peltier : A l’Ofimer nous avons en charge la mise en œuvre de la partie « marchés » du plan. Actuellement, je réalise un état des lieux. On vient de me rendre une étude de faisabilité lancée l’an dernier sur l’interconnexion des criées (ndlr : 40 au total). Le plan prévoyait aussi la création d’une interprofession. Une initiative a été prise par la profession. Nous allons l’accompagner grâce à une mission confiée à des inspecteurs généraux de l’agriculture sur ses conditions de mise en œuvre. Je n’ai pas changé d’avis depuis mon arrivée à l’Ofimer sur la nécessité d’avoir une interprofession. Mais le sujet avance doucement, c’est compliqué. Il nécessitera la mise en place d’un chantier législatif pour redéfinir les missions de l’Ofimer, de la direction des pêches et de cette interprofession. L’autre grand volet du plan qui nous concerne est celui de la valorisation. Le postulat de base étant : trouver des marges de valorisation pour rétablir la rentabilité des chalutiers - qui représentent deux tiers de la flotte - menacée par la hausse du gasoil. Au prochain conseil de direction le 13 juin, je proposerai de dresser un état des lieux des démarches de qualité et présenterai les résultats d’une étude sur la formation des prix dans la filière. Les deux sujets sont liés : aujourd’hui la filière est confrontée à la difficulté de niveaux de prix très élevés au niveau de la distribution.
LM : Le personnel de l’Ofimer s’inquiète de la disparition de l’office ou du transfert de ses compétences vers l’interprofession. Que lui répondez-vous ?
M.P. : C’est assez légitime. Qui dit interprofession dit transfert en matière de communication par exemple. Mais ce transfert est légitime. C’est une compétence que l’on avait à titre dérogatoire. En revanche, cette année, nous avons obtenu la gestion d’une partie du fonds européen pour la pêche (FEP), ce qui va changer un peu la nature des missions de l’office et renforcer son rôle en matière de structuration de la filière.
LM : Quel type d’aides allez-vous gérer ? Pour quel montant ?
M.P. : Il s’agit d’actions liées à l’aval : valorisation des produits, mise en marché, modernisation des criées, mareyage, transformation des produits, et aussi un peu l’aspect hygiène. Nous serons un guichet unique en lien avec le Cnasea pour le paiement final. Le FEP représente un montant de 184 millions d’euros (plus 34 millions d’euros pour les DOM) jusqu’en 2013. L’office en gérera environ un tiers.
LM : L’Ofimer va-t-il à l’avenir jouer un rôle plus important dans le développement de l’aquaculture en France ?
M.P. :Je pense que oui. C’est une priorité affichée au niveau européen. Nous avons encore des marges de développement en France. Dès mon arrivée à l’Ofimer, j’ai proposé au CIPA Centre interprofessionnel des produits de l’aquaculture. d’engager une réflexion sur l’image des produits de l’aquaculture.
Au niveau de l’office nous pouvons aussi intervenir en soutien des démarches de qualité (ndlr : comme celle des aquaculteurs corses, que nous évoquerons dans une prochaine édition). La truite, par exemple, a besoin d’une vraie démarche de qualité. Mais, avant tout, ce dossier nécessite un travail interministériel pour recenser les capacités et les zones d’élevage, avec certainement un recours à des schémas de développement de l’aquaculture. Ensuite, via de la communication, de la pédagogie et des actions pour limiter la pollution des fermes, il faut essayer de rendre l’activité acceptable auprès des élus et des décideurs.
LM : Quel est le premier dossier que vous allez mettre sur la table du futur ministre en charge de la pêche ?
M.P. :Le plus important va être de lui faire comprendre qu’il y a des réformes à faire. Il faut continuer à mettre en œuvre le plan d’avenir de la pêche et ouvrir un chantier législatif, mieux structurer la filière de la pêche et lutter contre le black fish (ndlr : pêche illégale).