Paradoxes
Cela peut paraître inconvenant de l’écrire, mais nous avons rencontré ces derniers jours des Français que la crise financière laisse de marbre. Des salariés, le plus souvent. Ils n’ont pas l’infortune de travailler dans une banque ; ils n’ont pas maladroitement épargné en bourse. Des consommateurs de base, quoi. De ceux dont l’on tâtait le pouls naguère avec fébrilité pour savoir dans quelle mesure ils s’inquiétaient de l’évolution de leur sacro-saint pouvoir d’achat. Les soubresauts du Dow Jones ou du CAC40 n’ont pas entamé le moral de ces quidams. Certains se félicitent même ouvertement des déboires de l’économie mondialisée. Ils y voient le bon côté de la chose. Ceux qui utilisent leur voiture ont constaté que le prix de l’essence avait baissé ; ceux qui font leurs courses se sont rendu compte que les prix avaient été tirés vers le bas par la plongée des cours des matières premières ; les « primo-accédants » se frottent les mains de voir les prix de l’immobilier enfin décliner. Il ne s’agit pas bien sûr de dénier ici les conséquences néfastes de la crise pour l’économie française, du ralentissement de la croissance à la hausse prévisible du chômage. Tout juste est-ce l’occasion d’en tirer la leçon suivante : le consommateur souverain est égoïste. Sa satisfaction matérielle ne procède pas forcément de la bonne santé des entreprises engagées dans la compétition internationale. Il se peut même que le consommateur profite du ralentissement de l’économie, quand le travailleur, lui, en pâtit. Curieusement, on n’entend guère les habituels apôtres du « pouvoir d’achat » saluer les conséquences heureuses pour les consommateurs des déboires de l’économie mondiale. Par décence, peut-être ?