« Papy » Brossard a toujours beaucoup d’appétit
Alors qu’il rêve de devenir conseiller agricole, Guy Schumacher, désormais président directeur général de Brossard, est appelé dans les années 80 par Gaston Lenôtre pour devenir son adjoint. À l’époque, Gaston Lenôtre possédait une centaine de magasins au Japon et quelques-uns aux États-Unis et souhaitait accentuer son développement outre-Atlantique. Mais l’aventure tourne vite court. « L’engagement financier était démesuré par rapport au projet », aux dires de Guy Schumacher. La vente de l’ensemble Lenôtre au groupe Accor en février 1985 le pousse à créer sa propre société, qu’il baptise Saveurs de France. Auparavant, dans les années 40, Georges Brossard, fondateur de la société éponyme et créateur du boudoir et de la recette du quatre-quarts Le Savane (1932), s’était rapproché de la société Gringoire pour fonder Brossard-Gringoire. Ce n’est qu’en 1962 que la marque Brossard passe dans l’escarcelle du groupe américain, successivement dans les mains de Pillsbury, de Grand Metropolitan puis de Sara Lee. Le célèbre personnage de Papy Brossard naît dans le giron de Pillsbury (1980).
Pendant que la marque Brossard évolue sous pavillon américain, Guy Schumacher tente de mettre au point une nouvelle technologie pour fabriquer de la pâte feuilletée. « J’ai remarqué qu’une seule base de produit pouvait faire un carton dans toutes les couches de la société. À l’époque, il n’existait pas de pâte feuilletée d’entre deux gammes, la technologie n’étant pas encore au point », explique l’entrepreneur. En association avec un certain Klaus Fecht, il met au point cette nouvelle technologie qui permettait de produire de la pâte feuilletée moins chère que le haut de gamme mais de meilleure qualité que le bas de gamme. « La réalisation a été très compliquée, nous avons mis un an et demi pour la mettre en place. Rien n’allait », se souvient-il. Nous sommes alors en 1986.
Premiers pas en bourse
La société enregistre son premier bénéfice financier en 1996 (sa rentabilité nette représentait alors 10 % de son chiffre d’affaires de 60 millions de francs), signant le début d’une nouvelle étape de développement. Guy Schumacher considère que le moment est venu de doubler son outil industriel, mais les fonds manquent. « Je suis allé voir les banquiers pour financer mon projet d’extension. Ces derniers ne voulaient pas me prêter de l’argent mais plutôt m’en donner pour acquérir mon entreprise », explique-t-il. N’ambitionnant pas de céder sa société, il décide alors de l’introduire à la Bourse de Paris au « nouveau marché ». L’augmentation de capital de 42 millions de francs lui permet d’investir pour doubler la capacité de production de son usine du Neubourg (dans l’Eure). Saveurs de France devient n°3 du marché des biscuits et de la pâtisserie industrielle, le challenger étant la société Pikiche et le leader Brossard.
Cette position inconfortable pousse Guy Schumacher à reprendre Pikiche. « Il fallait regrouper l’offre. En 1996, nous n’avions plus que 16 interlocuteurs en GMS, contre 60 en 1985. Nous ne pouvions pas ne pas en tenir compte. J’ai acquis cette entreprise très chère pour tenir sur un marché concurrentiel, ce qui m’a permis d’aller titiller Brossard », indique le pdg. Pour financer cette nouvelle acquisition, Guy Schumacher diminue sa participation à 50 % du capital, contre 65 % jusqu’alors. Il acquiert ainsi un nouveau savoir-faire, le beignet, et en profite pour reprendre la société Sigal, spécialisée dans les pizzas. Il revendra le fonds de commerce de Pikiche à la société Evial en 2004.
Retour en France
Toujours dans l’optique de suivre l’évolution de ses clients de la grande distribution, Saveurs de France cherche de nouvelles opportunités de croissance. Les Américains commencent à avoir de l’appétit et s’intéressent à Saveurs de France. « Pour me convaincre de leur céder mon entreprise, ils m’ont fait visiter leurs deux usines à Pithiviers et Castelsarrasin », se souvient Guy Schumacher. L’idée de cession n’est toujours pas dans l’esprit de Guy Schumacher qui souhaite renverser la proposition. Mais les négociations sont plus que difficiles. L’une de ses passions, la haute voltige, et les hasards de la vie lui feront rencontrer le n°2 de Sara Lee sur l’aéroport du Bourget. « Je suis devenu légitime dans l’acquisition de Brossard et toutes les portes se sont ouvertes », raconte-t-il. En 2001, Brossard revient ainsi en France. Le groupe possède alors cinq sites industriels.
Nouvelle croissance externe
Fin 2003, l’entreprise fait l’objet d’une première attaque, qui se renouvellera en 2005. « Cette nouvelle offensive m’oblige à faire une opération financière plus structurée, et j’organise ma propre OPA. Jamais on ne me reproposera ce que l’on m’a proposé à l’époque », souligne-t-il. L’entreprise sort alors de la bourse pour y revenir en mars 2007 sur Alternext. Guy Schumacher affiche de fortes ambitions puisqu’il veut doubler de taille. Quelques mois auparavant, il signe son retour sur le marché des biscuits, puisque la clause de non-concurrence qui courait avec Monique Piffaut (suite au rachat de Brossard) prend fin début 2007. Des biscuits aux œufs et à la cuiller refont leur apparition dans les linéaires sous la marque Brossard. Malgré un déréférencement chez Leclerc en 2008, qui aura entraîné une baisse de 15 % de son chiffre d’affaires sur cet exercice, Brossard tient le cap et garde de l’appétit pour de prochaines alliances. « Nous nous trouvons dans la même situation qu’il y a une dizaine d’années. Il faut regrouper l’offre pour créer des évènements porteurs », déclare-t-il.