Pain bio : comment sortir la miche de la niche ?
Marie-Hélène Aubert, eurodéputée, conseille aux producteurs bio de rester vigilant cet automne, jusqu'à la clarification définitive des conditions d'application du règlement européen sur la production bio. Réunis à Paris le 6 novembre dernier pour la restitution du programme de recherche de 2 ans sur la filière du blé au pain bio coordonné par l'ITAB et Joël Abecassis (Inra), les acteurs de la production et de la recherche étaient particulièrement attentifs à des points tels que le seuil de tolérance de contamination fortuites en OGM.
Le Parlement Européen souhaite un seuil de 0,1 % quand le conseil des ministres reste à 0,9 %, comme pour le « conventionnel ». Or, en l'absence de procédure de co-décision, le Parlement n'est que consulté. Autre point à suivre : les dérogations pour l'utilisation de produits chimiques. Le débat est de taille : les consommateurs ont, pour les produits, bio les yeux de Chimène. Et le pain bio possède une position particulièrement emblématique, le pain restant un élément central de la gastronomie hexagonale. « Pour le consommateur, le pain bio est porteur d'imaginaire : il est naturel, nourrissant et sain. De plus il produit moins de déchets car il se conserve mieux, moins d'emballage, s'inscrit dans le respect du rythme de la nature, à un prix juste » explique Agnès Alessandrin (Adiv). Elle distingue les consommateurs réguliers qui valorisent les pains issus de l'agriculture biologique quand les consommateurs occasionnels se placent plutôt dans le refus de tout ce qui est commercialisé par les grandes surfaces. Tous placent cependant le boulanger comme acteur principal. Même si de plus en plus de consommateurs sont tentés par la production domestique à partir de farines achetées en circuit court. La demande de pain faiblement allergisant (épeautre ou teff) voire sans gluten, progresse en bio.
Aujourd'hui, 32 moulins écrasent, avec 35 000 t, les 3/4 de la production de farine bio française. Pays de la Loire, Midi-Pyrénées et Rhône-Alpes concentrent l'essentiel de ces moulins. La tendance notée par les chercheurs est à l'éclaircissement des farines, vers des farines bises (T80) voire blanches (T65), mais aussi à l'application de procédés d'écrasement par cylindre, plutôt que sur les traditionnelles meules de pierre (qui restent cependant bien présentes).
Création d'un comité de filière
Au niveau de la collecte, si les privés étaient majoritaires, la coopération prend une place croissante depuis une dizaine d'années (42 % de la collecte, 70 % par des coop converties depuis 1995). Mais le quart Nord-Est reste quasiment absent de la carte : on y attend la conversion annoncée de quelques grands domaines. L'une des surprises de l'enquête sur ce maillon de la filière porte sur les critères qualitatifs : si, il y a dix ans, les OS et les meuniers regrettaient surtout la faiblesse en protéines des blés bio, ce sont surtout les charançons et les adventices, c'est-à-dire les aspects sanitaires, qui préoccupent aujourd'hui, les itinéraires techniques ayant contribué à remonter la protéine. Les clients ont, bien sûr, des exigences variables : ainsi, la grande distribution (notamment Carrefour avec sa boule bio lancée en 1992) exige des analyses poussées (mycotoxines, pesticides, métaux lourds…) quand les artisans boulangers cherchent une grande diversité de farines et, parfois, certaines variétés spécifiques.
Pour doubler la collecte, un objectif cohérent avec les conclusions du Grenelle de l'Environnement et le débouché croissance en restauration scolaire, les acteurs réunis le 6 novembre autour de l'Itab ont décidé de constituer un comité de filière pour contribuer à la structuration de la filière et d'organiser la collecte. La qualité est bien sûr visée : le bio doit renouveler son offre afin de conserver un avantage nutritionnel, mis à mal par l'éclaircissement des farines.