OMC : l'Union européenne compte ses alliés
Venus de plusieurs pays que la terminologie désigne comme les « moins avancés », les représentants du Sénégal, du Mali ou encore du Bénin se sont réunis à Paris les 30 novembre et 1er décembre, à l'occasion d'une rencontre baptisée « les paysans prennent la parole ».
À deux semaines seulement de la rencontre interministérielle de l'OMC à Hong Kong, au cours de laquelle de nouvelles négociations sur le commerce mondial doivent se tenir, la libéralisation des échanges qui se profile a fait l'unanimité contre elle. Une manière comme une autre de galvaniser les troupes avant l'échéance chinoise (du 13 au 18 décembre), mais également l'opportunité de rassembler les groupes de pression. « La libéralisation totale des échanges est illusoire. Ce n'est pas en retirant les aides aux producteurs français qu'on va aider les producteurs africains» a déclaré le vice-président de l'APCA Jean Salmon, intervenant de l'une des tables rondes. Ces paroles constituent un écho à celles du directeur général de l'OMC Pascal Lamy, qui estimait mardi que « les propositions sur la table pour libéraliser le commerce mondial offrent déjà plus aux pays en développement que le précédent cycle de l'Uruguay, notamment en matière agricole».
Dans cette déclaration se retrouve la ligne de fracture entre les PMA (pays les moins avancés) et les pays en développement, qui comptent l'Inde ou le Brésil, géants agricoles en expansion. Très demandeur en matière de baisse sinon d'élimination des barrières tarifaires aux frontières, le Brésil fait figure d'épouvantail. Pour la Côte d'Ivoire, qui possédait il y a encore trois ans une filière avicole performante, la montée des importations de poulets en provenance d'Amérique du Sud a mis fin à cette réussite, et cristallise la peur des PMA. Cet exemple ne laisse pas indifférents les agriculteurs français, attentifs à la marche à cadence rapide de la libéralisation. « Nous avons besoin de régulation. Un monde sans règles, c'est comme une démocratie sans lois, ou une partie de rugby sans arbitre. À la fin, cela fini en pugilat» a jugé Pierre Pagesse, président de Limagrain.
Paquet-développement
Sur la question des relations entre UE et les pays en développement, les intervenants africains étaient divisés, certains parlant de véritable partenariat, et d'autres de concurrence. Mais tous se sont accordés à réclamer un réel développement de leurs économies, et à demander que le commerce ne soit pas une fin en soi. Le protectionnisme fait donc figure de bouée de sauvetage, une vue partagée par le monde agricole français. Le président de la FNSEA Jean-Michel Lemétayer a ainsi flatté les représentants africains, en déclarant « inacceptable d'envisager l'alignement des prix sur le plus bas niveau dans le monde». Cette position a sûrement été droit au cœur des PMA, dont plus de la moitié de la population survit grâce à l'agriculture.
Dominique Bussereau, qui a conclu la série de rencontres, a promis que des avancées ne seraient obtenues à l'OMC qu'à la condition de non remise en question de la PAC. Il devrait également demander l'adoption d'un « paquet développement» pour les PMA et les pays en développement, qui dans ses grandes lignes réclame un ralentissement de l'érosion des préférences et de la baisse des barrières douanières.