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OMC : l’Ifri affûte les arguments du camp européen

L’institut a publié cette semaine ses réflexions sur les conséquences de la libéralisation des marchés agricoles. A contrecourant de la pensée dominante, elle y prône le maintien des politiques publiques.

« Les politiques agricoles sont-elles condamnées par la mondialisation ?» C’est la question que s’est posée le programme agricole lancé en 2003 par l’institut français des relations internationales, ce pôle « d’analyse et de recherche stratégique » (en anglais « think-tank ») qui souhaite ainsi participer, avec le soutien des organisations agricoles françaises Le programme de l’Ifri est soutenu par le « groupe Sologne » dont sont membres le Crédit Agricole, Groupama, Invivo, Coop de France et les filières Céréaliers, betteraviers et oléoprotéagineux « Les politiques agricoles sont-elles condamnées par la mondialisation ? » Édition Académia Bruylant 390 pages, 30 euros.à alimenter les réflexions européennes à quelques mois de la conférence ministérielle de l’OMC de Hong-Kong, du 13 au 18 décembre 2005. Les éléments de réponse à cette question pas si provocatrice que cela à ce stade des débats (on pense notamment à l’appel renouvelé de Tony Blair contre la Pac cette semaine) figurent dans un ouvrage collectif rassemblant les contributions d’une quinzaine de spécialistes internationaux des questions agricoles.

L’ouvrage entend clairement mettre à plat « certaines des affirmations qui servent de base à la négociation multilatérale et de desserrer la contrainte intellectuelle qui pèse sur ces débats», a expliqué mardi, lors d’une présentation du livre, Pierre Rainelli, directeur du programme de recherche « politique agricole » de l’Ifri qui a encadré les travaux. Les auteurs s’attaquent principalement à trois idées reçues : celle selon laquelle la surproduction agricole menace, alors même que les perspectives d’équilibre entre l’offre et la demande à long terme ne semblent pas assurées ; celle selon laquelle l’ouverture générale des marchés serait la clé du développement pour les économies en développement ; enfin celle selon laquelle les politiques agricoles, en particulier celle de l’UE auraient pour effet de fausser la concurrence sur les marchés mondiaux.

Les besoins alimentaires mondiaux iront croissant

Les travaux réunis par l’Ifri ont le grand mérite de livrer sur ces trois thèmes des éléments d’information solidement étayés dont il paraît être parfois peu tenu compte lors des négociations internationales. D’abord sur les grands équilibres agricoles et alimentaires mondiaux. « Même avec une démographie maîtrisée, ont précisé les auteurs dans leur présentation, les besoins alimentaires mondiaux iront croissant du fait d’une plus grande demande en protéines d’origine animale de populations en voie d’urbanisation et à meilleur pouvoir d’achat ». Du côté de l’offre, « en un demi siècle les terres arables par tête ont été divisées par deux, et l’eau pour l’irrigation commence à manquer. Les usages concurrents de ces ressources s’accentuent avec l’affectation des terres à la production de biocarburants et de l’utilisation de l’eau à des fins autres qu’agricoles ».

A terme, les plus grands géants mondiaux auront du mal à relever ce défi agricole et alimentaire, détaillent des chapitres consacrés à plusieurs pays émergents. En Inde, notamment, où la population dépassera bientôt celle de la Chine. En Chine aussi, qui consacre tous ses efforts à son développement industriel au détriment de son potentiel agricole. Et même au Brésil, où l’expansion agricole finira par se heurter à d’inévitables contraintes environnementales, assurent les auteurs.

Mais c’est sur la question la plus sensible des pays en voie de développement que les contributions de l’Ifri étaient les plus attendues. « L’argument dominant est aujourd’hui le suivant, a rappelé Pierre Rainelli : compte tenu du poids de l’agriculture dans les économies en développement, la libéralisation des échanges permettrait de dégager des gains en “bien-être” considérables pour ces pays. L’ouverture générale des marchés serait la clé du développement ». D’où un pilonnage systématique ces dernières années contre les droits de douane et plus encore contre les restitutions.

Brésil, Australie et Thaïlande seuls gagnants

Or, selon l’Ifri, cet argument doit être largement nuancé. « D’un point de vue théorique, la suppression de toute protection (droits de douane, subventions aux exportations, mesures de soutien à caractère distorsif) conduirait à une baisse de l’offre, et donc à une hausse des cours mondiaux des matières premières de 12 % », a assuré Xavier Beulin, président de la Fop (oléoprotéagineux) qui a rédigé l’introduction de l’ouvrage. « Je ne suis pas sûr que cela soit là l’enjeu de Doha, notamment pour les pays pauvres ». Et les experts de l’Ifri de préciser que si la protection des pays riches intervient pour 80 % dans les distorsions des échanges, « les restrictions des pays en développement ne sont pas négligeables» et que les droits de douane et les mesures de soutien pèsent beaucoup plus dans le total des formes de protection que les restitutions (12 %), pourtant les plus attaquées.

Mais surtout, l’Ifri insiste sur l’argument le plus porteur pour les pays en développement qui se sont rangés en nombre aux côtés du Brésil à Cancun. C’est qu’un accord dans le cadre du cycle de Doha aurait essentiellement pour gagnants le Brésil, l’Australie et aussi la Thaïlande qui profiterait de l’ouverture du Japon et de la Corée. Autant de pays que l’on a du mal à ranger dans la catégorie des PDV. « Les débouchés préférentiels des pays ACP en Europe seraient pris par l’Australie ou le Brésil», pronostique l’Ifri.

Les pays en développement, eux, n’auraient guère à gagner de cette libéralisation, en raison de la faible intégration régionale de ces pays qui se traduit par des droits de douane entre eux relativement élevés, sans compter parfois des taxes à l’importation. Quant à l’exportation vers les consommateurs des pays riches, elle ne leur serait guère accessible en raison notamment du manque d’infrastructures mais aussi des normes de qualité très élevées, notamment en Europe. Plutôt que d’exposer ces pays à une plus grande ouverture des marchés, l’étude suggère « pour les pays qui sont réellement en voie de développement » le recours à la « boîte » de développement « avec son traitement spécial et différencié.»

Si les auteurs considèrent « que la mondialisation empêche aujourd’hui d’avoir les mêmes politiques agricoles qu’il y a plusieurs décennies », ils estiment en revanche qu’elles sont parfaitement justifiées et ne sont pas contradictoires avec la libéralisation des échanges. « Les caractéristiques de l’agriculture, sa finalité et son rôle font que l’intervention publique reste nécessaire (...) Il n’y a en effet pas d’incompatibilité entre l’ouverture des marchés et le soutien du revenu, à condition de bien choisir les instruments », estiment les auteurs, à rebours d’un autre think-tank, l’Institut Montaigne, qui prônait en juin 2005, le retrait de tout soutien public. Globalement, le découplage des aides mis en place par la dernière réforme de la Pac paraît « avoir peu d’effets sur les échanges», même si reconnaît l’Ifri, elle fige cependant les conditions acquises. Il est à noter que c’est l’une des rares réserves des auteurs contre la réforme de Luxembourg, pourtant mise à mal à l’époque par le monde agricole.

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