Obésité : les annonceurs devront prévenir ou payer
« On écrit « fumer tue » sur les paquets de cigarettes. Va-t-on écrire « manger fait grossir » sur les produits concernés ?» ironisait vendredi M. Muzeau (sénateur PCF d’Ile-de-France), à l’occasion de la discussion engagée dans la loi de santé publique sur la prévention de l’obésité.
Le résultat du vote, vendredi au Sénat, lui aura presque donné raison. Après des débats vigoureux sur le sujet, les parlementaires ont en effet adopté un article obligeant les messages publicitaires télévisés en faveur de boissons avec ajout de sucres, de sel ou d’édulcorants de synthèse et de produits alimentaires manufacturés « à contenir une information à caractère sanitaire » (192 voix pour, 122 voix contre). Les annonceurs pourront déroger à cette obligation sous réserve du versement d’une contribution au profit de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (Inpes), d’un montant fixé à 1,5 % des sommes annuelles payées par les annonceurs aux régies publicitaires.
Cette contribution sera destinée à la réalisation et à la diffusion d’actions d’information et d’éducation nutritionnelle notamment au niveau des collectivités territoriales. « Les industriels de l’agroalimentaire pourront soit intégrer dans leurs spots publicitaires un bandeau - comportant un message de l’Inpes, éventuellement relatif au caractère mensonger de l’annonce (sic !)- soit verser une contribution financière qui permettra au ministère de communiquer lui-même», a expliqué (sans rire) Philippe Douste-Blazy, ministre de la Santé. Inutile de dire que les annonceurs choisiront majoritairement la deuxième option.
A ce propos, le ministre a tout d’abord soutenu un amendement destinant la contribution des annonceurs à une fondation dont l’objet serait de promouvoir les bons comportements alimentaires. Sous la pression de certains sénateurs et suite à un article du Monde (daté du 9 juillet) qui stigmatisait « un amendement épousant au mieux la thèse de l’Ania (Association nationale des industries alimentaires) », il l’a aussitôt retiré. Sur les distributeurs automatiques de confiseries et de sodas dans les établissements scolaires, les discussions ont été moins agitées.
Les sénateurs se sont rapidement mis d’accord pour adopter l’amendement déposé par le gouvernement qui stipule qu’« à compter du 1er septembre 2005, seuls seront admis dans les établissements scolaires les distributeurs délivrant des produits répondant à des conditions fixées par un décret en Conseil d’Etat». Ce décret, que Philippe Douste-Blazy souhaiterait voir rédiger par Martin Hirsch (président de l’Afssa), déterminerait la composition nutritionnelle des aliments et boissons interdits dans les distributeurs.
Enfin, le texte de la loi de santé publique adopté par le Sénat prévoit de taxer les boissons alcoolisées dont le fort goût en alcool ou l’amertume sont masqués par l’ajout d’autres produits et visant particulièrement les jeunes. Ainsi, la taxe déjà existante sur les prémix a été étendue « aux produits alcooliques qui sont additionnés d’au moins deux des trois éléments suivants : arômes, sucres ou tous autres édulcorants naturels ou de synthèse, colorants». Cette taxe de 5,55 euros par décilitre d’alcool pur devrait être appliquée à partir du 1er janvier 2005.
La loi de santé publique, modifiée par le Sénat vendredi, doit encore passer en commission mixte paritaire pour être définitivement adoptée. A priori, elle devrait être entérinée, sans trop de changements, avant la fin juillet, selon les services du Sénat.