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Nutrition, obésité : le plaisir réhabilité

Les campagnes de prévention mériteraient d'user un peu plus de psychologie et de moins de discours scientifique. Démonstration faite lors de trois manifestations différentes la semaine dernière.

Lundi 1 er décembre a eu lieu la journée parlementaire « santé, société, entreprise » organisée et présidée par Marc Le Fur (député des Côtes d’Armor) et Jean-Marie Le Guen (député de Paris). L’animation du matin était confiée à un autre député, Gérard Bapt (député de Hautes-Garonne), une façon de montrer que la France entière était mobilisée sur cet « important sujet de société ». L’intitulé posait le sujet en termes de choix d’une normalité « saine » et d’une régulation politico-économique du sujet : « la nutrition, patrimoine hexagonal : comment concilier comportements alimentaires sains, qualité nutritionnelle et avenir de l’industrie agroalimentaire ». En effet, c’est bien l’alimentation et non la nutrition qui constitue un patrimoine national : la nutrition implique une approche quasiment « médicale » du fait de manger. Or, comme l’a rappelé l’anthropologue Claude Fischler, c’est bien la convivialité des repas qui signe la marque France. « Il faut réconcilier le mangeur avec son assiette et non lui faire peur. Pour moi, les industries agroalimentaires commettent des erreurs stratégiques. La transparence sur la composition ne satisfera jamais la faim que nous avons de nos aliments. Un aliment ne peut se réduire à ses nutriments. Je crois qu’il est souhaitable de mettre la qualité organoleptique au moins au même niveau que la qualité nutritionnelle ».

Au-delà de la mémorisation, massive, du principal message du PNNS ( « 5 fruits et légumes par jour »), quel est l’impact réel de ce genre d’actions sur l’évolution des comportements alimentaires ? Pour Christian Saout, président de la Conférence nationale de santé (CISS) qui regroupe de nombreuses associations de patients dans tous les domaines, dont l’obésité, il faut se garder de toute stigmatisation, a-t-il dit, avant de déplorer la représentation d’une femme mince voire maigre pour illustrer le programme du colloque. « La fabrication de boucs émissaires persiste, qu’il s’agisse d’industriels ou d’individus qui ne mangent pas comme il faut. Tous les débats tournent autour des conséquences et non des faits générateurs » a-t-il répond à ceux qui se félicitaient d’une réduction de « l’épidémie », tout au moins dans les milieux favorisés.

Pour mieux comprendre le présent, il faut connaître le passé. Mercredi 3 décembre, l’Inra avait réuni spécialistes de la nutrition humaine et historiens. Xavier Leverve, médecin et directeur scientifique de la nutrition humaine, a milité pour laisser une place aux sciences humaines dans la recherche biologique plus « dure » : « l’alimentation joue un rôle majeur dans notre évolution. Quelles dynamiques motivent nos comportements alimentaires, quels effets nos comportements alimentaires ont-ils sur nous ? Nous devons nous intéresser non seulement à ce qui est dans nos assiettes mais aussi à ce qui est autour ».

Le plaisir participe à l’identité des mangeurs

L’historienne Julia Csergo (université de Lyon) en a fait la démonstration. Ainsi, au xix e siècle, l’IMC, l’indice de masse corporelle, cible (reconstitué) était de 20/22 pour les femmes et de 20/26 pour les hommes desquels un léger embonpoint était admis… Mais parmi les obèses « pathologiques », seuls 40 % étaient considérés comme des « bon mangeurs » contre 10 % de « petits mangeurs » et 50 % de personnes ayant des consommations sans excès.

Les recommandations du corps médical pour traiter cette pathologie n’était donc pas uniforme à l’époque : réduction de la consommation chez les « goinfres » mais aussi gestion du sommeil et plaisir du goût chez tous.

C’est aussi en faveur de la prise en compte du plaisir qu’a plaidé Jean-Pierre Corbeau, coordinateur du cahier n° 13 de l’OCHA (Observatoire Cniel des Habitudes Alimentaires) le même 3 décembre à Paris. « Contrairement à une vision puritaine, le plaisir ne conduit pas forcément à l’excès. Il participe au contraire à l’identité des mangeurs et à la construction du lien familial et social » rappelle le sociologue tourangeau. Il participe aussi clairement à la lutte contre l’obésité : car « l’avaleur » qui ne prend pas goût aux goûts doit apprendre à déguster pour laisser notamment à son corps le temps de secréter les endomorphines qui lui permettront ensuite de ressentir la satiété et donc, de réguler son appétit.

Cependant l’apprentissage du goût doit être précoce : car ce sont les mots qui ancrent les souvenirs. Si le seul discours devait être celui de l’alimentation santé héritée des Etats-Unis alors là, oui, nous devrions être inquiets. Heureusement, les sociologues français de l’alimentation semblent affirmer en chœur que notre ancrage dans la convivialité, dans l’échange intergénérationnel (à remettre au goût du jour) et dans l’apprentissage du goût à l’école pourra nous sauver.

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