«Nous ne sommes pas des marchands de tabac»
Les Marchés : L'an dernier, lors de votre prise de fonction, vous annonciez vouloir passer deux à deux jours et demi par semaine à l'Ania. Avez-vous respecté cet emploi du temps ?
Jean-René Buisson : Non, j'y suis cinq jours par semaine. J'ai été élu le lendemain de la nuit du 17 juin où a été signé l'accord Sarkozy. Dès lors je n'ai pas lâché le dossier qui m'a pris entre 30 et 50% de mon activité. En parallèle, les questions de nutrition et d'obésité n'ont fait que
s'amplifier (loi de santé publique, campagne glucides, préparation directive allégation...) et m'ont pris beaucoup de temps. A cela s'ajoutent la signature des accords formation avec les syndicats de l'alimentaire et la réorganisation de l'Ania.
LM : Le gros chantier de la réforme de la loi Galland est en train de se terminer. L'année de lutte s'est-elle avérée concluante pour l'Ania ?
J-R B : On a été très présents sur le dossier tout en maintenant la cohésion des industriels. Le résultat est un bon compromis entre les positions extrêmes de Leclerc et le statu quo souhaité par le petit commerce et la FNSEA. Nous avons été les seuls à dire que l'économie générale du texte de Christian Jacob était bonne. Certes on n'a pas obtenu tout ce qu'on voulait sur le seuil de revente à perte et la baisse des marges arrière mais le texte voté à l'Assemblée présente de bonnes avancées sur les accords de gamme, les enchères électroniques, la charge de la preuve qui incombe aux distributeurs, les délais de paiement limités à 30 jours. Le texte sera voté ce mercredi 13 juillet, mais après il va falloir l'appliquer. Compte tenu de sa complexité, il va sûrement y avoir des interprétations et des recours nécessaires devant la justice. L'année qui vient sera lourde. Les distributeurs diront que la loi ne leur est pas favorable mais il faut leur faire confiance pour réinventer des mécanismes afin de la contourner.
LM : Outre la surveillance de l'application du texte, vous allez désormais vous concentrer sur le dossier santé ?
J-R B : Oui. Nous sommes vent debout contre les dispositifs coercitifs de taxation des industriels, considérés en ennemi. Les industriels ne veulent pas être considérés comme des marchands de tabac ou de drogue. Nous souhaitons avoir avec les acteurs de la santé des attitudes de partenariat. Cela a été un échec avec le ministre précédent (ndlr : Philippe Douste-Blazy remplacé par Xavier Bertrand) dogmatique et peu ouvert et nous avons eu des relations difficiles avec la direction générale de la Santé et l'Afssa, dont nous avons pourtant, à l'origine, demandé sa création. Le directeur en partance (ndlr : Martin Hirsch) nous est apparu aller beaucoup plus loin que l'objectivité paraissait nécessaire. Néanmoins ces dernières semaines, l'attitude est plus à l'écoute. Le nouveau directeur général de la Santé nous a reçu la semaine dernière, je vois le nouveau ministre le 19 juillet. Nous attendons avec attention la nomination imminente d'un nouveau (on dit même une nouvelle...) dg de l'Afssa. On met beaucoup d'espoir dans ces trois changements essentiels.
LM : L'an dernier vous aviez parlé de remettre de l'huile dans les rouages internes de l'association. Comment avez-vous procédé? L'organisation vous semble-t-elle satisfaisante aujourd'hui ?
J-R B : Nous ne sommes pas encore arrivé à l'organisation optimisée. J'ai traité le plus urgent : la communication et les public affairs. Pour la communication, on se fait aider par Véronique Foucault conseil (VFC) : Karin Coustal est présente deux à deux jours et demi par semaine. Nous testons cette formule jusqu'à la fin de l'année, si ce n'est pas satisfaisant, on recrutera. Pour les public affairs nous avions recruté Anne Peyricot, appelée depuis au cabinet de Nicolas Sarkozy. Pour la remplacer, nous avons aussi fait appel à un cabinet de conseil. Enfin il y a un mois nous avons recruté Rachel Blumel, au poste de chef de service juridique et économique. Il y aura d'autres changements : je veux une équipe ramassée et pluridisciplinaire. Je souhaite aussi pouvoir tisser de meilleures relations de travail avec le Médef, dont nous avons soutenu la candidature de la nouvelle présidente Laurence Parisot.
LM : Vous aviez aussi parlé de remettre à plat la répartition des rôles de l'Ania, des Aria (association régionale des industries alimentaires) et des fédérations spécialisées, où en êtes-vous ?
J-R B :Je n'ai pas eu le temps. C'est un chantier que l'on va mettre en place. Avec la politique de décentralisation, je pense qu'on ne peut fonctionner bien que si on s'appuie sur les politiques régionales. Les Aria doivent avoir des droits et des devoirs envers l'Ania, et des règles de fonctionnement qui permettent de bonnes relations avec le Médef local et les fédérations spécialisées. Mais ce n'est pas simple, les relations avec les Aria sont très affectives.
LM : Vous vouliez aussi faire une maison commune avec les fédérations spécialisées, y compris les coopératives, le projet avance-t-il ?
J-R B :Je reste accroché à l'idée que c'est l'avenir, qu'on passera par là. Mais ce n'est pas mûr dans les esprits. Les élus et les permanents ont l'impression qu'ils vont y perdre de leur autonomie et de leur force de frappe, alors que c'est exactement le contraire. On tentera quand même l'opération avec les 2 ou 3 fédérations qui ont envie de le faire.
LM : Récemment, vous avez annoncé la création d'Ania conseil et assurances. Souhaitez-vous développer davantage les services au sein de l'Ania ?
J-R B :Là aussi je suis convaincu que c'est l'avenir. Les petites entreprises ont beaucoup de demandes. On pourrait par exemple leur apporter des services de caution mutuelle. Pour l'instant nous testons les assurances. Le premier bilan sera effectué fin 2005. Si ça ne marche pas, on arrêtera très vite.