Nourrir de Plaisir

A la recherche de la madeleine de Proust perdue… c’est un peu l’idée de cette publication n°13 des cahiers de l’OCHA (observatoire des comportements et des habitudes alimentaires, créé par l’interprofession laitière), sous la direction de Jean-Pierre Corbeau, professeur de sociologie à l’université de Tours. Dans cet ouvrage collectif, le chercheur nous décharge d’un grand poids : être obligé de choisir entre le plaisir du palais et l’impératif santé, de plus en plus diabolisateur. Contre« la gourmandise est la mère de tous les vices » , il nous propose de découvrir, avec ses compères, comment le plaisir régule depuis l’enfance nos habitudes alimentaires, et à tous les âges de la vie.« Manger, dire, dire, manger. Ces allers-retours nous construisent. Goûter, c’est apprendre à dire, mais dire le goût, c’est tout simplement mettre au monde sa propre identité, c’est apprendre à se connaître soi-même, et pas seulement » . Friandises, gâteau d’anniversaire, sucreries en tout genre, ces« trésors de l’enfance » facilitent l’apprentissage des relations sociales en participant à la fabrication des sentiments et des émotions par lesquels les enfants construisent leur rapport au monde. Un bien perdu à cause de la « médicalisation » de la nourriture, portée par la peur de l’obésité. L’ouvrage nous montre comment échanger l’ordre alimentaire pyramidal, avec ses interdits au sommet, contre un ordre plus naturel, celui du plaisir, et non de la honte, où les aliments et leur rôle nutritif rentreraient dans une éducation par le goût,« où le boire et le manger » pourraient faire partie« des autres plaisirs culturels tels que la lecture ou l’écriture » . Grignotage, fête, argent de poche, cour de récréation, voici donc les lieux privilégiés où commence l’éducation alimentaire, où le plaisir et l’autonomie peuvent se construire.« Nourrir de plaisir, sans mourir de plaisir » , l’adage est bon à retenir, à l’heure où les petits Marcel ont déjà remplacé trop de fois la madeleine au thé par le pot de nutella…
Nourrir de Plaisir, Régression, transgression, transmission, régulation ? sous la direction de Jean-Pierre Corbeau, n°13 des cahiers de l’OCHA 220 pages, 20 €