Non, non et non !
On se demande parfois si la politique agricole européenne n’est pas concoctée par quelque personnage malicieux du pays merveilleux d’Alice. Là où l’héroïne de Lewis Caroll était invitée à fêter des non-anniversaires, Bruxelles suggère aux agriculteurs de faire des « non-récoltes ». C’est l’une des réformes très audacieuses de l’organisation du marché des fruits et légumes adoptée mardi dernier. Le principe de la « non-récolte », paraît-il, serait plus avantageux à subventionner que le mécanisme du retrait, par lequel l’Europe finançait la destruction des fruits et légumes excédentaires. Mais la réforme en question est porteuse de quelques autres créations intellectuelles de ce type, confirmant que la référence au néant relève à Bruxelles moins de l’incongruité intellectuelle que d’un véritable système de pensée. Les aides accordées par la Commission en cas de crise seront ainsi réglées via les organisations de producteurs. Mais comme nul ne doit être oublié, les esprits supérieurs qui nous gouvernent ont inventé la catégorie du « non-membre ». Avec lui, Bruxelles se montrera généreux. Il pourra aussi toucher des aides, mais au terme d'un labyrinthe encore plus tortueux, ce qui devrait le dissuader de les demander. Entre la non-récolte et la non-subvention, l’arboriculteur persévérant imagine peut-être qu’il vendra le produit de son travail à un consommateur. L’hypothèse n’est pas tout à fait exclue. Mais le scénario le plus probable est que sa récolte sera achetée par la Commission dans le cadre d’un programme particulièrement coûteux de redistribution des produits dans les écoles. Pour nourrir, si le raisonnement se tient jusqu’au bout, d’authentiques « non-consommateurs ».