«Monsieur Jean» sort de sa légendaire réserve
«Vous me connaissez très peu. J'ai 89 ans. J'ai quitté l'école à 14 ans avec mon seul certificat d'études ce qui ne m'a pas empêché de créer trois entreprises, parmi les plus belles de la grande distribution. Elles ont jalonné mon parcours de 60 ans». Entouré de sa famille, Jean Baud, fondateur de Leader Price et Franprix (4 milliards d'euros de chiffre d'affaires fin 2006), est sorti de son légendaire silence, jeudi dernier, en se présentant pour la première fois à la presse. Un essai réussi pour l'un des derniers représentants d'une génération d'entrepreneurs hors pair. Son éviction brutale de la présidence du groupe, le 5 mars 2007, et les neuf plaintes déposées contre lui pour fraudes et abus de biens sociaux par Jean-Charles Naouri, le p-dg de Casino, l'ont poussé à agir. Entier, Jean Baud a sorti la grosse artillerie : une conférence de presse simultanée à la sortie d'une livre -«coup de tonnerre dans la grande distribution» aux Editions Bourin, 19 euros- et d'un documentaire-fiction autobiographique de 52 minutes.
Jean Baud explique ainsi le sens de sa démarche : «j'ai besoin de retrouver mon honneur. On m'a traité de chef de bande, on aurait pu me traiter de chef de gang... On se demande si on rêve ! N'ayant pas l'habitude de la presse, j'ai laissé Naouri en faire trop. Mon livre peut le corriger».
«Toutes les accusations sont fausses»
A la grande déception de certains journalistes économiques, Jean Baud ne cherche cependant pas à répondre précisément aux accusations portées par Jean-Charles Naouri, ni à préciser le calendrier du feuilleton judiciaire. «Toutes les accusations qui sont portées sont fausses. M. Naouri exagère sur tout. On peut prouver que tout est faux», assure-t-il. Selon lui, toutes ces plaintes n'ont qu'un but : «ce sont des écrans de fumée pour nous spolier sur la valeur de nos actions». La famille Baud détient toujours 5% des actions de Franprix et 25% de celles de Leader Price. Chiffrées à 600 M Eur par Jean Baud, elles seraient évaluées à 420 M Eur maximum par Casino, selon LSA du 19 juin. Une procédure d'arbitrage a été confiée à la justice.
«Je touchais 12 000 euros/mois comme salaire aux Ets Baud. C'est dix fois inférieur à ce que ça aurait pu être», se défend encore Jean Baud, quand on l'accuse d'abus de biens sociaux. L'entrepreneur aime aussi à raconter l'affection que lui portait son personnel, pour qui il reste «Monsieur Jean». Deux anecdotes mises en avant dans le livre et le docu-fiction : la remise d'un livre d'or par ses employés et d'une médaille du travail confectionnée des mains d'un délégué syndical, à l'occasion des 60 ans des Etablissements Baud.