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Marques déceptives : la Cour de cassation revoit sa jurisprudence

Par un arrêt du 21 janvier 2014, la Cour de cassation affirme que la marque « Confi'Pure » est non seulement parfaitement valable, mais surtout que l'examen de la déceptivité d'une marque s'apprécie au regard des dispositions du Code de la propriété intellectuelle et non du Code de la consommation. Explications.

La société Andros poursuivait l'annulation de deux marques déposées par la société Hero AG, « Confi'Pure » et « Hero Confi'Pure fraise » pour désigner des confitures, gelées, compotes et marmelades à base de fruits. Une telle demande n'était pas absurde au regard tant du droit des marques que du droit de la consommation. Du point de vue du droit des marques, l'article L.711-3 du Code de la propriété intellectuelle prévoit que ne peut être adopté comme marque un signe de nature à tromper le public, notamment sur la nature, la qualité ou la provenance géographique du produit ou du service. Une telle marque qui serait susceptible de faire croire au consommateur qu'un produit possède une qualité intrinsèque qu'il n'a pas, ou au contraire que tous les autres fabriqués dans les mêmes conditions ont, serait dite déceptive, c'est-à-dire que cette marque déçoit le public pertinent. La jurisprudence a toujours été attentive à faire en sorte qu'un produit ou un service ne soit pas désigné par une marque qui ferait croire au consommateur à l'existence d'une qualité que le produit n'a pas.

Le précédent Evian Fruité

Ainsi, la marque Evian Fruité pour des sirops de fruits qui ne contenaient pas d'eau d'Evian a été annulée. De même, plus récemment, la marque « Premier sur le Matin », pour désigner une émission radio qui n'était pas la première en termes d'audience pour cette tranche horaire, a été jugée trompeuse et annulée.

Du point de vue du droit de la consommation, la marque apposée sur un produit a toujours été perçue par le juge comme un élément d'étiquetage de nature, comme tous les autres, à être remis en cause sous l'angle de la publicité mensongère ou trompeuse. La coordination entre droit des marques et droit de la consommation a toujours permis au principe de loyauté de l'information d'être pris en considération de manière homogène.

Et c'est sur ce point précis que l'arrêt commenté apparaît amorcer un revirement. Si la jurisprudence a affirmé il y a plus de trente ans que l'appréciation du caractère déceptif d'une marque est laissée au pouvoir souverain des juges du fond, l'existence d'un risque de tromperie a toujours été l'indice de la déceptivité du signe, et c'est pourquoi le droit des marques rejoignait le droit de la consommation.

Or dans le cas présent, que la Cour de cassation valide l'arrêt de la cour d'appel, qui considère que le signe Confi'Pure associé à des éléments figuratifs ne tend pas à souligner la pureté et présente un caractère arbitraire, est tout à fait possible et, comme nous venons de le voir, participe du pouvoir souverain du juge du fond.

LE CABINET LPLG

LPLG Avocats regroupe une dizaine d'avocats et juristes privilégiant la proximité avec leurs clients et la connaissance de leur métier. Outre son activité plaidante, il fournit des conseils juridiques favorisant la prévention par rapport au contentieux et intervient surtout en droit économique (concurrence, distribution, consommation, propriété intellectuelle, contrats…).

Maître Didier Le Goff a développé une compétence générale en droit économique avec une prédilection pour l'agroalimentaire, et s'est aussi spécialisé en droit des marques qu'il enseigne en master II Droit de l'agroalimentaire de l'université de Nantes.

Droit des marques et droit de la consommation

Mais que la Cour de cassation affirme que droit des marques et droit de la consommation ne devraient plus se rejoindre quant à l'analyse de la déceptivité d'une marque, paraît annonciateur de revirements très importants.

Dans l'attendu principal, la Cour de cassation rappelle que la marque a pour fonction de garantir au consommateur ou à l'utilisateur final l'identité d'origine du produit désigné par la marque, en lui permettant de distinguer sans confusion possible ce produit de ceux qui ont une autre provenance. Tandis que l'étiquetage a pour objet de fournir à l'acheteur et au consommateur des informations sur les caractéristiques du produit concerné, et en conclut que la déceptivité d'une marque s'apprécie au regard des dispositions du Code de la propriété intellectuelle et non de celle des articles R.112-1 et R.112-7 du Code de la consommation.

Il est difficile de dire à ce stade s'il s'agit d'un arrêt d'espèce ou d'un arrêt de principe, mais l'affirmation selon laquelle l'analyse de la déceptivité d'une marque serait étrangère au principe de loyauté de l'information, qui découle du Code de la consommation, laisse assurément perplexe.

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