Marges arrière : le débat relancé
« Regardez, je ne désigne personne, mais regardez l’affaire des prix dans les hypermarchés. Il y a une campagne qui a été lancée, ça me passionne, je voudrais qu’on résolve ce problème». Avec cette petite phrase lancée le 8 avril au journal de 20 heures de TF1, Nicolas Sarkozy a redonné un coup de fouet au débat des marges arrière. Interrogé sur le sujet le 14 avril, à l’Assemblée nationale, le nouveau ministre d’Etat a confirmé vouloir prendre des décisions sur le dossier « car il s’agit de rendre aux Français une part de leur pouvoir d’achat». Joignant l’acte à la parole, les cabinets de Nicolas Sarkozy et Christian Jacob, ministre délégué aux PME, au Commerce et à l’Artisanat, -travaillant visiblement de concert- ont engagé depuis quelques jours un premier tour de pistes des différents acteurs concernés. La semaine passée, Christian Jacob a rencontré la Fnsea, les Jeunes agriculteurs, les dirigeants de Système U, Leclerc, Carrefour, Auchan et le représentant de la FCD (fédération des entreprises du commerce et de la distribution), Jérôme Bédier. Cette semaine, c’était au tour des coopératives agricoles, des entreprises agroalimentaires (Ania), du Medef, mais aussi de Franck Riboud (pdg de Danone). Les rencontres vont encore se poursuivre quinze jours avec les représentants des PME notamment, les patrons de Casino et d’Intermarché.
Pour conclure ce premier round, Jean-Pierre Raffarin l’a confirmé en personne mercredi aux Jeunes agriculteurs : une table ronde sera prochainement organisée. Au cabinet de Christian Jacob on évoque l’échéance probable de fin mai. « A la différence de ce qui s’est produit dans un passé relativement récent, nous ne nous contenterons pas d’organiser des colloques», a promis Nicolas Sarkozy à l’Assemblée nationale, égratignant au passage son confrère Renaud Dutreil dont la circulaire n’aura finalement pas été suivie de beaucoup d’effets.
« Les conditions sont aujourd’hui réunies pour que les choses bougent. La vraie question est de savoir qu’est ce qui va bouger et jusqu’où», a confié hier aux Marchés, Benoît Mangenot, directeur de l’Association nationale des industries alimentaires (Ania).
Les premières remontées d’un questionnaire approfondi, envoyé par l’association à l’ensemble de ses adhérents, montrent que les industriels veulent du changement. Pour l’Ania, sans supprimer la loi Galland, l’idée serait de revoir la définition du seuil de revente à perte. En outre, la tendance au sein des adhérents de l’Ania prône la suppression des accords de gamme.
Du côté de la fédération des entreprises et entrepreneurs de France (FEEF), les propositions « pour remettre la PME au cœur de l’économie » vont plus loin. Eric Renard, son nouveau porte-parole, exposera trois propositions concrètes, la semaine prochaine devant le cabinet de M. Sarkozy. « On veut aller plus loin que le simple débat des marges arrière », a-t-il indiqué aux Marchés, « il faut que les PME aient l’accès au consommateur ». Pour ce faire, la FEEF demande la suppression des accords de gamme qui freinent l’accès des PME aux linéaires au profit des grandes marques. Pour retrouver de la souplesse au sein des pratiques commerciales, « nous sommes pour autoriser la vente à partir de 95 % du seuil de revente à perte », ajoute Eric Renard.
Favoriser l’accès des PME à la publicité
La troisième proposition et la plus innovante soulève le problème de l’accès des PME aux espaces publicitaires. « Le consommateur achète des produits qu’il connaît. Or les prix des espaces publicitaires sont tellement exorbitants que 50 annonceurs monopolisent le marché : c’est inacceptable », dénonce la FEEF. Comme cela existe déjà pour les artistes français, la fédération souhaiterait que l’on dédie des espaces aux PME qui pourraient s’exprimer en associant les distributeurs (ndlr : indiquant en fin de spot dans quelle enseigne le consommateur peut trouver le produit). En échange de quoi les distributeurs pourraient réserver un meilleur emplacement aux produits en question dans les linéaires. « On ne dit pas que l’on veut de la place le soir au milieu de la diffusion d’un match de foot, mais on pourrait libérer des fenêtres de publicité le matin par exemple », propose Eric Renard.
Avec ces propositions constructives, la FEEF souhaite sortir de la relation conflictuelle et demande un débat de fond impliquant la place de la PME. « Les multinationales ne vont peut-être pas être d’accord mais ce sont les PME qui créent la richesse au niveau national», argumente le représentant de la FEEF.