« Manger pour 8 euros à 4 personnes, c’est possible »
Après l’Université populaire de Caen, Michel Onfray, philosophe et hédoniste a créé il y a deux ans celle d’Argentan dans l’Orne avec un jardin dans la ville. Le principe ? « Planter, semer, cultiver et récolter des produits frais de qualité, à même de restituer la saveur réelle, la texture réelle, la couleur réelle des légumes ; puis apprendre à les cuisiner afin de sublimer la carotte, la pomme de terre, l’aubergine dans une préparation à même de générer du lien social, familial, amical, par le repas transformé non pas en une corvée nutritionnelle, mais une jubilation existentielle. Car il existe une vie après les nouilles…, » déclare Michel Onfray,
Le philosophe donne carte blanche à Jean-Pierre Coffe pour intervenir dans quatre « samedis gourmands ». Le premier aura lieu le 18 octobre de midi à minuit. Objectif : proposer des aliments pour confectionner un repas à la portée de ceux qui ont des revenus très modestes et ne pas ajouter à la fracture sociale, la fracture de l’alimentation, du sensoriel et du plaisir.
Les Marchés : Pourquoi intervenez-vous à l’Université populaire d’Argentan ?
Jean-Pierre Coffe : Michel Onfray m’a demandé d’intervenir pour créer une formule en rapport avec la situation économique dans laquelle nous sommes. Comme le nom d'«Université Populaire» l’indique, le message s’adresse à tous ceux dont les revenus ne permettent pas de faire la fine bouche sur leur alimentation. J’ai choisi de me focaliser sur la cuisine de ménage qui permet de démontrer que dans une famille de quatre personnes dont les deux parents sont au Smic, après avoir payé le loyer, le gaz, l’électricité etc… il restait huit euros pour manger. Nous sommes dans une mini-révolution économique, alors place à la ménagère.
L.M : Que peut-on faire alors que le consommateur est très sollicité ?
J.P.C : Nous devons changer notre système d’alimentation. Manger moins, mais manger plus équilibré. Avant, on mangeait moins et les habitudes alimentaires étaient différentes et l’on n’en mourrait pas. Une soupe et une pomme étaient souvent le lot des familles le soir. Mais notre société avec l’aide de la communication a développé un système qui n’est plus adapté aujourd’hui. Il faut réfléchir et changer nos habitudes. Le turbot, les morceaux nobles, les produits chers, tout ça c’est fini. Place au développement des jardins ouvriers qui démontrent par leur développement une révolution rampante mais inexorable. Le maraîchage de proximité doit réapparaître. Une pomme sur une pâte c’est un succulent dessert et l’on n’a pas besoin de pommes à 3 euros : elles sont cuites !
L.M : Concrètement, existe-t-il des recettes ?
J.P.C : Il faut réduire notre train de vie et nous retourner vers des produits aussi bons mais moins chers : les harengs à la moutarde, le chinchard, les légumes de saison, utiliser les bas morceaux tels que le collier, le haut de côte, les oeufs avec lesquels on fait de très bons plats. Les deux chefs qui sont ici vont montrer que l’on peut faire des économies et cuisiner un repas tout à fait convenable de quatre personnes pour 8 euros (voir menus ci-dessous). Je vous donne un exemple : on voit redescendre des greniers les yaourtières. Qu’y a-t-il de meilleur que faire ses yaourts soi-même avec du lait cru et d’y ajouter de la confiture ?
L.M : La Normandie est une terre d’AOC. Ces produits entrent-ils dans votre programme ?
J.P.C : Il faut réapprendre à les utiliser car nous avons besoin d’un apport varié de vitamines et d’éléments essentiels apportés par ces produits. Il suffit de les utiliser en petites quantités. Je présenterai à Argentan mon livre sur le beurre car nous traiterons dans les ateliers de l’utilisation de la crème et du beurre. D’ailleurs j’espère bien que dans nos « samedi gourmands », les rencontres de Cambremer seront au programme.