L'UFC craint l'émergence d'une « rente » biocarburants
Favorable au développement des biocarburants en tant que diversification énergétique, l’UFC Que Choisir n’en a pas moins critiqué hier la politique « aveugle et dispendieuse » menée par le gouvernement.
L’absence de consensus scientifique sur les rendements énergétiques ou l’impact économique de la filière a été soulignée par l’association de consommateurs qui se pose une question sur « l’intense promotion financière faite par les pouvoirs publics », tandis que les avantages fiscaux alloués aux industriels « deviennent démesurés», car calculés sur la base d’un baril à 30 dollars. La défiscalisation des biocarburants (réduction de la TIPP) combinée à l’augmentation progressive d’une nouvelle taxe sur les carburants fossiles (TGAP2, qui atteindra son plafond en 2010) doit renforcer la compétitivité des biocarburants vis-à-vis des carburants classiques. Ce scénario fait craindre l’émergence d’une rente de monopole pour les industriels, libres d’augmenter leur marge sur ces nouveaux produits. Se basant sur ce scénario, l’UFC Que Choisir demande une diminution du montant des défiscalisations, dont le montant global est de 1,27 milliard d’euros à l’horizon 2010 (900 millions d’euros pour le biodiesel et 359 millions d’euros pour l’éthanol). « Diester Industrie avait 90 % des agréments biodiesel en 2005 et a augmenté ses prix» a ainsi déclaré François Carlier, directeur adjoint du service des études économiques de l’association, citant un rapport remis en 2005 au ministre de l’Industrie.
Dans un autre rapport d’information déposé en octobre 2006 par la Commission des affaires économiques de l’Assemblé Nationale, deux députés ont indiqué que les conditions n’étaient encore réunies pour éviter la constitution de rentes au bénéfice des producteurs de biocarburants. Le document indique que Diester Industrie détenait encore près de 80 % des quantités agréées en biodiesel en 2006 (62 % en 2008), tandis que Total représentera 53 % de l’ETBE en 2008, le solde étant le fait du seul Llyondell.
5 propositions pour lever les ambiguïtés
Une fois évacué cet écueil, l’arbitrage entre le biodiesel et le bioéthanol pose de nouveaux problèmes. Fabriqué à partir de produits oléagineux, « le biodiesel présente un bien meilleur rendement énergétique que le bioéthanol obtenu à partir de céréales, dont le développement d’une filière présente peu d’intérêt pour le consommateur et l’environnement » juge l’UFC. Partant de ce principe, l’association préconise l’importation d’éthanol brésilien. Réalisé à partir de canne à sucre, son coût serait inférieur de 15 à 20 centimes par rapport à l’éthanol céréalier. « Si la préoccupation du consommateur était au cœur du problème énergétique, alors nous en importerions » a estimé l’UFC, notant que le gouvernement n’avait même pas envisagé cette possibilité.
Pour remédier à cet ensemble de griefs, l’association de consommateurs a présenté 5 propositions, qui sont l’organisation d’une conférence de consensus scientifique pour démêler les études aux conclusions dissemblables (Inra, Ademe, Conseil des Mines, etc.), la priorité donnée au biodiesel plutôt que l’éthanol céréales, l’ouverture d’un débat sur l’éthanol brésilien, la favorisation de la filière biomasse et enfin la diminution et la modulation de l’avantage fiscal accordé aux biocarburants. Alain Bazot, président de l’UFC Que Choisir, a assuré que les biocarburants « ne sont pas un dossier agricole pour nous», se plaçant du point de vue du consommateur. Bien qu’éludé au cours de la présentation qui se tenait hier, le sujet de la spécialisation des cultures et de la protection de l’eau figurait bien dans le dossier adressé aux journalistes présents.