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« L’intégration en matière bovine n’est pas un tabou »

Dominique Langlois, le patron de SVA, a pris ses marques à la tête de la FNICGV. Le successeur de Laurent Spanghero profite de l'assemblée commune de sa fédération et de celle des commerçants en bestiaux (FFCB), jeudi et vendredi, pour délivrer quelques messages directs aux entreprises, à la production et aux pouvoirs publics dans un entretien accordé aux .

Les Marchés : Vous avez choisi d'évoquer, vendredi, lors de la table ronde de votre congrès, la présidence française de l'Union européenne. Quels dossiers aimeriez-vous que la France fasse avancer en priorité?

Dominique Langlois : D’abord celui de la production agricole. Nous nous sommes réjouis que le président de la République s'engage en faveur du principe de l'autosuffisance alimentaire européenne, lors de son discours au Space en septembre dernier. Il lui faudra être convaincant car sa vision n'est pas partagée par tous les membres de l'Union. Sur ce sujet, il nous trouvera derrière lui. Mais pour maintenir nos capacités en matière de viande, les éleveurs doivent, de leur côté, faire évoluer leurs pratiques.

Pour répondre à la demande des consommateurs, nous avons besoin de carcasses bovines allégées, d'animaux issus de croisements industriels, d'animaux arrivant propres à l'abattoir, etc. Nous souhaitons vivement qu'une production bovine française forte se maintienne. Pour cela, il faudra aller vers des accords de filière pour sécuriser les producteurs. Nous sommes prêts à aller jusqu'à l'intégration ; ce n'est pas un sujet tabou. Je pense que cette solution peut intéresser des éleveurs, il ne faut donc pas l'exclure a priori. Il est très important que nous améliorions notre compétitivité. La viande française ne doit pas devenir un produit élitiste.

LM : Comment la PAC pourrait-elle participer au maintien d'un élevage puissant en Europe ?

DL : Il faut rééquilibrer les aides en faveur de l'élevage et notamment de l'élevage à l'herbe, dont la contribution à un environnement préservé est incontestable. Nous avons la chance de disposer d'herbe, il faut la valoriser. Mais il est également nécessaire de maintenir un couplage des aides européennes avec la production.

LM : Quelles mesures appelez-vous de vos vœux pour ce qui concerne l'environnement économique des entreprises que vous représentez ?

DL : Il existe des disparités énormes en matière sociale qu'il est nécessaire de réduire. Il n'y aura pas d'Europe économique s'il n'y a pas d'Europe sociale. Des convergences restent à trouver dans de nombreux domaines : le temps de travail, les charges sociales, le salaire minimum, voire le flux des travailleurs immigrés, d'Europe ou extra-communautaires. Nous sommes, dans notre métier, dans une situation de quasi plein-emploi. C'est bien, mais il faut pouvoir recourir à de la main d'œuvre, dans l'Union et hors de l'Union, sans se trouver dans une situation d'insécurité juridique. Il faut mettre ce dossier sur la table au niveau européen.

LM : La viande bovine brésilienne, dont le retour en Europe a été provisoirement reporté, fait l'objet de vives craintes de la part des éleveurs français. Partagez-vous ces inquiétudes ?

D.L : L'importation de volumes raisonnables de viandes sud-américaines est inéluctable, compte-tenu de l'état du marché sur le continent européen. Je pense qu'elles devraient revenir courant 2009.

A vrai dire, je ne vois pas où est le problème. La France a une très belle et forte production viticole, ce n'est pas pour cela qu'on interdit les vins étrangers, au contraire. Nous sommes dans un marché mondial. En viande bovine, l'importation sud-américaine restera un segment de marché minoritaire. Mieux vaut coordonner l'arrivée de ces importations que de les laisser entrer de façon sauvage.

LM : L'une des manières de reconquérir la production, c'est de relancer l'engraissement en France, non ?

DL : Bien sûr, la production traditionnelle a de l'avenir. Le jeune bovin ne répond qu’à une partie des consommateurs. Au plus fort de la crise de la FCO et de la fermeture du marché italien, on a constaté une baisse de la consommation. Je pense qu'elle était liée au retour sur le marché français d'animaux qui ne répondent pas à la demande. La crise aurait pu être une opportunité d'engraisser et de conserver chez nous cette valeur ajoutée.

LM : Il y a un an, vous avez lancé un plan de modernisation de la filière, par lequel les entreprises étaient invitées à investir ensemble dans l'aval de la filière, avec le soutien éventuel de l'Office de l'Elevage. Où en est-on aujourd'hui ?

DL : Une vingtaine de dossiers sont à l'étude, dont 7 ont été d'ores et déjà acceptés et ont obtenu le soutien de l'Office. Cette démarche répondait manifestement à une attente. Nous sommes partis d'un constat : les entreprises françaises sont trop légères face aux géants de la viande en Europe. Pour trouver notre place, nous avons besoin d'investir là où sont les marchés de demain, pas dans la première transformation. J'ai été choqué par les informations parues récemment sur l'état de certains abattoirs publics. Il faut cesser d'investir dans des outils qui n'ont pas leur place. Que l'Etat, qui nous demande sans cesse plus d'exigence en matière sanitaire, fasse le ménage ! Nous ne défendrons pas les structures défaillantes dans ce domaine.

LM : Les observateurs ont remarqué que certains de ces dossiers étaient montés en commun par des entreprises coopératives et privées. C'est un signe ?

DL : C’est vrai que ça marche bien avec Coop de France. J'espère que cette expérience permettra l'amorce d'un rapprochement entre nos fédérations, la FNICGV et Coop de France Bétail et viande. Par étapes bien sûr. Il est nécessaire que nous nous parlions. Le dialogue fonctionne au sein de la Commission Environnement. Je souhaite que l'on avance au niveau social. Et je veux que les questions de personnes soient reléguées au second plan, y compris si venait à se poser la question d'une présidence commune.

LM : Ce rapprochement pourrait-il aussi se traduire selon vous au niveau des entreprises françaises de bétail et viande ?

DL : Chacun sait que de nouvelles restructurations auront lieu. Nous sommes une filière pauvre, qui a besoin de gros opérateurs pour se battre au niveau international. Le clivage privé/coopératif aura du mal à résister au réalisme économique. Nous avons besoin de rapprochements pérennes et gagnants.

LM : Vous êtes restés relativement à l'écart du débat sur la loi de modernisation de l'économie. Pour quelle raison ?

DL : Tout simplement parce que les matières premières agricoles ont été écartées du champ des réformes en matière de négociation commerciale. Mais cela ne nous empêche pas d'avoir un avis. Je ne suis pas sûr que la libéralisation du commerce ait tous les effets bénéfiques attendus. Les entreprises industrielles et de commerce ne vendront pas plus, car le gâteau n'est pas extensible. La viande, ce n'est plus que 10% des 14% de la consommation alimentaire ! Quant à l'effet sur les prix, je suis également sceptique. Ma crainte, c'est que les hard-discounters allemands ne soient encouragés à venir avec leurs produits, notamment d'Europe de l'Est.

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