L’image et les prix
Ces dernières années, les grandes enseignes intégrées ont développé un discours censé coller aux aspirations profondes des consommateurs. Pas ces réflexes qui les amènent à se diriger mécaniquement vers la grande surface parce qu’on y trouve des produits moins chers et en plus grand nombre. Non, celles, plus intimes, qui affectent la conscience des Français depuis la crise de l’ESB et le trou dans la couche d’ozone : le souci d’acheter «durable», pour soi-même et pour les autres. En cela, ni la dernière campagne publicitaire de Carrefour ni celle d’Auchan ne brillent par leur originalité (lire p3). Dans les deux, on y retrouve le même souci des enseignes de se présenter comme des remparts aux errements supposés de l’agriculture et de l’industrie. Une prétention qui ne manque pas de faire grincer quelques dents dans les milieux agricoles, fâchés de voir leurs produits servir d’illustration au savoir-faire d’une profession dont ils ne cessent de mettre en cause les pratiques. Mais ce qu’il y a de plus intéressant dans la dernière campagne de Carrefour, c’est sans doute ce que l’on peut y lire en filigrane, de manière quasi-subliminale (mais n’est-ce pas là le rôle de la publicité ?). Analysés à la lumière de la concurrence féroce qu’impose le hard discount aux enseignes traditionnelles, on ne peut s’empêcher de voir dans ces messages un avertissement de la distribution classique aux consommateurs : « attention, ce que vous achetez dans des enseignes moins réputées et moins soucieuses de qualité, c’est peut-être un peu suspect». Ce qui n’empêche pas les mêmes enseignes, dans le même temps mais plus discrètement, de fourbir leurs armes pour relancer la guerre des prix.