L’Europe, seule perdante à l’OMC
Au terme de cinq jours de discussions marquées par un blocage sur la question agricole, les pays membres de l’OMC ont finalement réussi à trouver un accord minimal, avec la disparition totale des subventions à l’exportation d’ici 2013. En réalité, cette échéance ne fait que préciser les propositions déjà énoncées en juillet 2004 et rend les avancées minimes. « Cet accord laborieux sur une date n’est pas suffisant pour faire de cette réunion un vrai succès, mais il l’est pour éviter un échec», a résumé en substance le commissaire européen au Commerce Peter Mandelson.
Dans son projet de déclaration, l’OMC convient ainsi « d’assurer l’élimination parallèle de toutes les formes de subventions à l’exportation et des disciplines concernant toutes les mesures à l’exportation d’effet équivalent, qui devra être achevée pour la fin de 2013. Cela sera fait d’une manière progressive et parallèle, à préciser dans les modalités, afin qu’une partie substantielle soit réalisée pour la fin de la première moitié de la période de mise en œuvre ». Par ces termes, l’OMC entretient le flou (ou l’espoir, c’est selon) quand aux subventions déguisées, dont sont coutumiers les Etats-Unis par exemple.
Les organisations agricoles françaises (FNSEA, JA) regrettent que « seule l’Europe s’engage sur une date d’élimination des restitutions à l’exportation», alors que les pays du Sud, emmenés par le Brésil, se félicitent que les jalons aient été posés. Avant la conclusion de ce protocole d’accord, Celso Amorim, ministre brésilien des affaires extérieures, avait même demandé la fin des restitutions pour 2010.
Rare point positif, la Politique agricole commune européenne sort provisoirement indemne de Hong Kong, l’échéance fixée coïncidant avec la fin du cycle 2007-2013. Compte-tenu de la baisse programmée des restitutions dans de nombreux secteurs d’ici là, l’impact sera modéré (lire p3). Mais les organismes agricoles grincent des dents devant les contreparties attendues de la part des autres pays, formulées en des termes vagues, qu’il s’agisse de l’encadrement en matière d’aide alimentaire, de crédit à l’export ou d’entreprises commerciales d’état (telles qu’elles existent en Australie, ou en Nouvelle-Zélande).
La présence d’autres points de nature conflictuelle dans l’accord va fortement toucher l’Europe, avec la réduction des soutiens internes à l’agriculture. Les taux de baisse annoncés, encore sujets à discussion, seront plus importants pour l’UE que pour les Etats-Unis et le Japon. L’accès aux marchés (tarifs douaniers) figure également dans le document final, avec la fixation de quatre fourchettes de baisses en fonction des taux pratiqués actuellement. Au grand dam de l’Europe, qui en faisait une condition sine qua non à toute négociation, rien n’a été décidé sur la reconnaissance des indications géographiques. La pilule est donc amère, et le manque de parallélisme des mesures ne cesse d’être invoqué. Pour autant, la conférence de Hong Kong ne marque pas la fin du cycle de Doha commencé fin 2001. L’accord arraché dimanche doit voir ses modalités chiffrées définies au plus tard le 30 avril 2006, et le dépôt des listes de concession doit être effectif le 31 juillet, ce qui laisse quelques mois d’ultimes tractations que ne vont pas manquer d’employer toutes les parties en présence. À l’issue de cet accord, seul le volet agricole (10% des échanges mondiaux) aura été résolu...