L’Europe et ses bergers
L’écho que va trouver la crise économique mondiale dans les urnes des élections européennes en juin prochain donne déjà des sueurs froides aux partis traditionnels. Il faut dire que l’effet combiné de la décroissance et de la reprise des délocalisations «compétitives» a ranimé ces dernières semaines des réflexes protectionnistes, mais aussi anti-européens. L’agriculture française, qui a beaucoup bénéficié de l’Europe, n’est pas à l’abri. On a ainsi appris avec étonnement cette semaine que certains responsables agricoles envisageaient de sanctionner le ministre en exercice lors du scrutin de juin en cas d’arbitrage défavorable sur la PAC ; quitte à prendre l’Europe en otage dans un débat qui concerne pourtant… la France. Ce genre de gestes de mauvaise humeur est pour le moins déplacé. Mais sa portée reste anecdotique. Dans les pays plus récemment entrés dans l’Union, les conditions fixées par Bruxelles pour avoir accès aux aides européennes sont en revanche vécues comme de véritables casus belli. Les agences de presse rapportent que des centaines de bergers roumains ont protesté cette semaine au centre de Bucarest contre l'obligation d'étiqueter et d’emballer les denrées alimentaires, une disposition entrée en vigueur début février et imposée par une directive bruxelloise. Les produits laitiers et les oeufs vendus au marché en Roumanie devront désormais être emballés et assortis d'une étiquette comportant des informations sur l'origine des produits et leur date de production. La routine pour les éleveurs et transformateurs français. Une révolution pour des paysans brutalement projetés dans l’agriculture du XXI e siècle et pour qui l’aventure européenne commence bien amèrement.