LE PROJET SEFRO
Les secrets de S. aureus révélés
L’enjeu de santé publique que représentent les entérotoxines de staphylocoques (SE), a amené le Cniel à s’impliquer dans le projet de recherche Sefro qui vient de se terminer. Agnès Delacroix Buchet, Inra Jouy-en-Josas, coordinatrice, nous livre les résultats.
Le projet Sefro démarré en 2007 regroupe huit partenaires : l’Inra, l’Afssa, l’université de Strasbourg, AgroParisTech, Aérial, Actilait, Adria Développement et le Cniel. Il vise à :
• mieux comprendre les mécanismes de production des entérotoxines, en intégrant l’étude de l’expression des gènes se, en cours de fabrication et d’affinage des fromages ;
• développer des techniques spécifiques, simples et fiables d’identification et de dosage de l’ensemble des entérotoxines répertoriées dans les Tiac. Ce projet qui s’est terminé en 2009 a abouti à la mise au point d’un test de détection/ quantification multiplex des huit entérotoxines incriminées dans les Tiac (lire RLF pages 30-33).
Concernant la compréhension des mécanismes de production d’entérotoxines par Staphylococcus aureus, les chercheurs ont évalué l’impact de cinq paramètres technologiques du procédé de fabrication des pâtes pressées non cuites (PPNC) sur quatre souches isolées de fromages, productrices de SEA, B, C ou D indépendamment inoculées à 103 ufc/ml dans le lait.
Des challenges tests ont été réalisés sur les technologies pâtes molles à croûte lavée (PMCL) et en incluant des recontaminations en surface pour suivre la phase de l’affinage. Le suivi au cours des 72 premières heures de la fabrication des fromages à PPNC, a montré que quels que soient les paramètres testés ou les souches étudiées, la croissance de S. aureus est similaire et atteint au moins 105 ufc/g 4 heures après le moulage alors que les pH varient de 5,4 à 6,1.
Autres résultats : au cours des 54 fabrications fromagères réalisées, SEA et SED sont les seules entérotoxines détectées en quantité faible mais seule SED a pu être quantifiée.
Un point essentiel à retenir. Parmi les cinq paramètres étudiés, la température et la durée de maturation du lait ont le plus fort impact sur la production d’entérotoxines.
Ces résultats ont été confirmés en technologie PMCL et en technologie industrielle PPNC à croûte frottée mettant en oeuvre des laits contaminés. En fabrication pilote où trois paramètres technologiques ont été testés, le pic de la population de S. aureus a été atteint très tôt (entre 2 et 4 heures après le moulage) et le gène sed présentait une expression maximale à ce pic. Enfin, la production d’entérotoxines se révèle souche dépendante et semble corrélée à une expression précoce du gène en cours de fabrication (moins de 6h après l’emprésurage). Il a été observé une expression précoce du gène sed contrairement à sea, seb ou sec ; ce qui explique le niveau de production plus importante de SED dans les fromages contaminés.
La maîtrise des premières étapes de la fabrication et précisément la température de maturation du lait apparaît donc cruciale pour limiter le risque lié à S. aureus dans les fromages. La réglementation impose la recherche des entérotoxines si le seuil de S. aureus dépasse 105 ufc/g au stade de la fabrication.
RITA LEMOINE
AVIS D'EXPERT
UN LIEN ENTRE L'EXPRESSION DU GENE ET LES CONDITIONS DE FABRICATION
« Les résultats obtenus apportent des réponses au besoin d’appréciation à l’exposition au danger lié aux entérotoxines. Ils mettent pour la première fois en évidence un lien entre l’expression des gènes, le niveau de production d’entérotoxines et les conditions de fabrication pour certains fromages. Nous disposons des éléments d’un futur kit de quantification rapide, spécifique et sensible pour 8 entérotoxines en cours de valorisation (projet Conectus). Les modèles de croissance de S. aureus viendront compléter la base de données de Sym’Previus fonctionnant déjà avec d’autres espèces bactériennes. La prochaine étape va consister à étudier dans le fromage, grâce à de nouvelles techniques de visualisation de la bactérie ou des gènes dans la masse du fromage, l’effet de l’expression des gènes se, sur l’hétérogénéité de la présence des toxines dans le coeur et la croûte et la variabilité des teneurs au cours de l’affinage. »
Agnès Delacroix Buchet,
coordinatrice du projet Sefro
(Inra de Jouy)