Les raisons d’un déménagement

Les raisons d'un déménagement
« Lorsque l’on sortit, vers 1955, des premières préoccupations de la circulation, rendues chaque année plus graves par le nombre de véhicules, et que l’on s’attaqua aux énigmes posées par les voies de pénétration, les autoroutes, le boulevard périphérique et, d’une façon générale, à l’avenir du centre de Paris, il devint de plus en plus urgent de supprimer l’embarras des Halles, à condition de trouver à celles-ci un nouvel emplacement. A la fin du XVIII e siècle, le charnier des Innocents avait été transféré dans les galeries de la barrière d’Enfer. A proximité de l’autoroute Sud, déjà ouverte jusqu’à Fontainebleau, Orly épanouissait son terrain. On eut l’idée, dans le même secteur, entre la route de Lyon et celle de Toulouse, de convertir le plus rural et le plus petit village de feu le département de la Seine, en héritier des Halles de Paris. Il y a 20 ans, je regardais les vaches passer paisiblement dans l’unique rue de cette paroisse, moi qui, du fort de Bicêtre, vingt cinq ans auparavant, jouait au soldat autour de la ferme isolée de la Belle-Epine, frôlée par la route, bordée d’arbres frissonnant aux vents, de Choisy-le-Roi à Versailles au milieu des terres labourées.
En 1961, le plan directeur, à l’étude depuis plusieurs années, était publié. Il fut approuvé par le Conseil municipal de Paris, au début de 1963. Je le répète : malgré les pavillons de fonte et les artères nouvelles, les inconvénients s’étaient multipliés. La circulation devenait quasi impossible, de 11 heures du soir à 9 heures du matin et le marché ne remplissait plus son rôle. On hésitait toujours ; on discutait toujours. On parla, presque, comme sous Louis-Philippe, de la Halle-aux-Vins de Bercy. L’État abattit sa carte de Rungis et, du 28 février au 2 mars 1969, une chaîne ininterrompue de camions, roulant jour et nuit, transportèrent en ces lieux, bienfaiteurs de Lutèce par leurs sources, dès l’époque gallo-romaine, tout le matériel et les accessoires nécessaires. Que va devenir, sans les Halles, le quartier autour d’elles ? » (...)
Le « trou » des Halles
Entre mars 1969 et novembre 1971, les pavillons de Baltard demeurèrent vides mais vivants, car ils furent peuplés d’attractions variées, allant du cirque aux salons de peinture, mais, si des rideaux de fer baissés annoncent, dans le quartier, bien des cessations de commerce, il est certain que, sur les 20 000 résidents, un quart à peine a pris le chemin de Rungis. A peine 1 200 grossistes sont partis et 2 600 entreprises, où l’on trouve tous les corps de métiers, fonctionnent comme avant. Etre la rue Baltard et la Bourse de Commerce, les pavillons de la boucherie sont restés en activité jusqu’au 15 janvier 1973. On a pu encore apercevoir des forts en blouse blanche qui portaient, du frigo au camion, un demi-bœuf sur leurs épaules, avant d’aller se rafraîchir sur le zinc le plus proche.