La concentration des entreprises de meunerie s’accélère, sous l’effet d’une volatilité accrue du marché céréalier. L’ANMF demande un réexamen du fonctionnement d’Euronext et la constitution de stocks stratégiques.
Au cours des dix-huit derniers mois, 25 des 100 premières entreprises meunières françaises ont changé de mains, ce qui représente 10 % de la production. Trente et une unités de production sur 451 ont cessé leur activité. « Beaucoup de moulins ont dû supporter une augmentation du prix de leur matière première, le blé, supérieure à leurs fonds propres », a expliqué la semaine dernière en conférence de presse Joseph Nicot, président de l’Association nationale de la meunerie française (ANMF). Les fortes variations du cours du blé ces deux dernières années rendent difficile l’activité du secteur. Jusqu’en 2005, les écarts atteignaient au maximum 10 % à la hausse ou à la baisse pendant une campagne. Les meuniers doivent désormais composer avec une grande fluctuation des marchés : les prix ont bougé de 60 % entre 2006 et 2007. Cette volatilité a pour effet d’accélérer la concentration du secteur.
Sur les 376 entreprises qui regroupent 451 moulins en 2008, quatre sont des leaders à dimension nationale (Nutrixo, Soufflet meunerie, Ariane meunerie et les Grands Moulins de Strasbourg), avec 49 moulins et 55 % du blé écrasé en France. Neuf entreprises sont à dimension plurirégionale (31 moulins et 17 % de l’écrasement), 69 sont régionales (76 moulins, 21 % du blé), et 294 sont départementales (295 moulins, 6 % du blé). L’explication à la part significative d’entreprises locales est l’existence d’un réseau de boulangeries encore dense. Les petits meuniers approvisionnent des artisans proches de chez eux. Ce ne sont pas les plus menacés, car ils s’adaptent bien au marché.
Joseph Nicot pressent une restructuration dans les entreprises de plus grande taille. « Les fluctuations de prix des matières premières entraîneront des difficultés financières et des fermetures, a-t-il déclaré. Certains vont juger que le métier est devenu trop risqué, se trouveront inadaptés et anticiperont leur sortie de la vie active. Les chefs d’entreprises inciteront moins leurs enfants à prendre la relève et les problèmes de succession vont s’accentuer. »
Des propositions
L’ANMF avance plusieurs propositions pour enrayer ces tendances néfastes : le réexamen des conditions de fonctionnement du marché à terme Euronext, la constitution de stocks stratégiques, la réduction des barrières tarifaires à l’import comme à l’export. « Le cours du blé ne doit plus être l’objet de spéculations financières sans limites, a souligné le président Nicot. Euronext, présenté comme l’un des moyens de régulation, ne joue pas ce rôle, car il fluctue soit sous l’influence du marché à terme de Chicago, soit sous celle des marchés boursiers. » L’association réclame plus de transparence et la mise en place de limites de hausse et de baisse. Un autre souhait est de connaître le nombre de contrats passés par des financiers ou des opérateurs non-industriels. « On sait s’adapter à une baisse ou à une hausse de prix, mais le retournement de marché présente un plus grand danger, a précisé Joseph Nicot. Ce risque est corrélé au nombre de contrats passés par les financiers. » L’ANMF veut aussi du changement dans le principe d’intervention afin de pouvoir constituer des stocks stratégiques, utilisables pour réguler le marché. Cette pratique existe en Suisse. Joseph Nicot a chiffré le stock souhaitable à trois mois de consommation de blé en France, soit 10 % de la récolte.
Baisse de production
La production de farine en France a reculé en 2008 de 1,3 %, s’établissant à 4,41 millions de tonnes, exportations comprises, pour retrouver le niveau de 2006. Un même recul est enregistré sur le marché intérieur, qui a consommé 4,01 millions de tonnes de farine l’an dernier, contre 4,06 millions de tonnes en 2007. Le secteur de la meunerie a généré un CA de 2,18 milliards d’euros, soit une progression de 14 %. Joseph Nicot a précisé que « l’augmentation du chiffre d’affaires est la conséquence d’une répercussion, plus ou moins partielle, des augmentations du cours du blé. Les résultats des entreprises de meunerie montrent qu’elles ont supporté en partie ces hausses qui mettent en péril certaines d’entre elles ». La panification reste le débouché principal de la farine, avec 65,4 % des tonnages. La quantité et la part consommées par la boulangerie artisanale sont en légère hausse, s’établissant à 1,55 million de tonnes, soit près de 60 % des farines utilisées en France pour la panification (lire p. 4). Les meuniers ont exporté 687 000 tonnes de farine, soit une augmentation de 5,3 %, permettant de confirmer la croissance recouvrée en 2004.