Les dossiers biocarburant se bousculent au portillon
La France manque de biocarburants, mais pas de projets. La réglementation européenne, qui exige un taux d’incorporation de 5,75 % en 2010, force à prendre le sujet à bras-le-corps.
Ce taux, loin d’être atteint aujourd’hui, fait s’employer le gouvernement, qui a clos le 17 mars un appel d’offres pour 800 000 tonnes de biocarburants sur la période 2005-2007, volume lié à une défiscalisation.
Selon le ministère de l’Agriculture, « plus d’une dizaine de dossiers ont été déposés, pour un volume total de 2,2 millions de tonnes », sans donner plus d’informations. Sur les 800 000 tonnes annoncées, 320 000 sont destinées à la filière éthanol, le reste étant l’affaire du diester. 120 000 doivent provenir de l’augmentation de capacité des unités existantes, laissant 200 000 tonnes au crédit de nouvelles usines.
Plusieurs candidats se sont fait connaître, comme le groupe coopératif Tereos et son projet de 200 000 tonnes à base de blé, localisé à Lillebonne (Seine-Maritime), qui repose sur la proximité logistique de la Seine (acheminement du blé) et des raffineries.
Le sucrier Cristal Union a lui déposé son dossier « Cristanol », et se propose d’investir 180 millions d’euros dans une unité betteraves céréales de 280 000 tonnes, dans la Marne. L’Association générale des producteurs de maïs dispose dans ses cartons d’une usine de 180 000 tonnes qui serait implantée à Pardies (Sud-Ouest). Soutenu par la FNSEA, la Fédération du négoce agricole et le groupe Carré, Ethanord envisage pour sa part la construction d’une usine de 200 000 tonnes, (céréales, jus de betteraves et déchets agricoles). Le projet repose sur la reconversion du site de Metaleurop, sur le plan des emplois et de l’utilisation des terres polluées alentour.
Décision de Bercy mi-mai
Parmi les autres candidats déclarés, le Nordiste Roquette (produits amylacés, chimie, pharmacie et cosmétologie) entend ne pas laisser la main aux seuls groupes agroalimentaires avec son projet de 160 000 tonnes, sur la base de blé d’origine française. La mise en place nécessiterait un investissement de 75 millions d’euros sur le site de Beinheim (Alsace). La décision de la commission des agréments, arbitrée par Bercy, devrait intervenir au mieux mi-mai, avec deux scénarios plausibles.
La première option est l’attribution des 200 000 tonnes d’agréments à un ou deux sites de production, laissant peu de perspectives à long terme étant donné le délai nécessaire (environ deux ans) entre la construction d’une usine et la livraison de la première goutte de bioéthanol. Le deuxième scénario consisterait en une division des volumes en tranches (50 000 tonnes pour X, 100 000 tonnes pour Y), satisfaisant plus de candidats mais pour un volume moindre.
Les différents intervenants sont au moins d’accord sur la nécessité d’établir dès maintenant les perspectives 2008-2010 pour anticiper la création d’outils de production.
Jean-Pierre Raffarin, lors du récent congrès de la FNSEA, a annoncé « lancer la deuxième tranche d’agréments » pour cette période. Les parties prenantes espèrent ne pas en rester au stade de la déclaration d’intention, d’autant plus qu’un amendement parlementaire adopté le 24 mars globalise les taux d’incorporation des carburants (il rend possible l’incorporation exclusive du diester, contre une incorporation obligatoire de diester + bioéthanol rendue caduque).
Cette globalisation favorise la filière diesel et les groupes pétroliers, portant un sérieux coup à la filière éthanol naissante. Se déclarant « conscients de cette difficulté », MM Bussereau et Devedjian ont assuré qu’ils demanderont le retrait de cet amendement lors du débat en seconde lecture au Sénat, en mai, sur le projet de loi d’orientation sur l’énergie.