Les dangers du bien manger
Pas une semaine sans que ne soit diffusé un documentaire dénonçant les méfaits du sucre, du sel, des produits industriels ou autres édulcorants… En librairie, se succèdent les livres défendant le régime hyperprotéiné, végétarien, sans gluten et désormais paléo. Le tout dans une cacophonie de discours de nutritionnistes… Résultat : la France, pourtant réputée pour la qualité de son modèle alimentaire, n'est pas épargnée par l'arrivée d'un phénomène qui commence à inquiéter les médecins et intéresse les mêmes médias propices à surfer sur les peurs alimentaires. L'orthorexie – obsession maladive de la nourriture saine – toucherait 1 à 3 % de la population française (estimation, aucune donnée précise n'existe sur le sujet) concernant principalement les femmes de 40-50 ans de niveau socio-économique élevé, fréquentant les magasins bio, mais aussi les femmes de 20-25 ans tout juste sorties d'une phase anoréxique, selon le psychiatre et nutritionniste Bernard Waysfeld. Complément d'enquête (le 13 mars sur France 2) a suivi l'exemple d'une jeune femme ayant peu à peu supprimé la viande, les laitages, le riz ou encore les pâtes, jusqu'à ne se nourrir que de pommes et de raisins. Un comportement inquiétant qu'il ne faudrait pas encourager par un étiquetage nutritionnel trop culpabilisant (comme le promeuvent aujourd'hui certaines associations de consommateurs) ou un marketing trop axé sur la nutrition-santé (certains industriels exploitent volontiers le filon). Au contraire, comme le souligne le chercheur Patrick Denoux dans son ouvrage « Pourquoi cette peur au ventre ? », il est temps de mettre en avant des valeurs plus positives liées à notre alimentation. Au-delà du plaisir gustatif, de son rôle social (l'orthorexie a pour conséquence d'isoler les malades), bien manger peut réconforter (valeur « doudou » qui rappelle notre enfance), aider à découvrir d'autres cultures (valeur d'ouverture), mais aussi rimer avec modernité (pour éviter de grandes erreurs hygiéniques, sous prétexte d'authenticité), recommande le professeur de psychologie interculturelle. De bons conseils à méditer et à appliquer.