Les charcutiers craignent pour leurs boyaux
«J’en suis réduit à négocier la livraison mais pas le prix », s’exclame un industriel du chorizo. Comme lui, de nombreux fabricants de charcuterie se sentent démunis face au renchérissement du menu de porc. « Le prix au mètre est passé de 0,0075 euro, fin 2007, à 0,115 maintenant, et est annoncé à 0,150 dans quelques semaines. Je crains une pénurie à la rentrée », poursuit le même fabricant, dont le coût de revient est constitué à 15 % par le précieux boyau. Son gros souci, dans l’immédiat, est de faire accepter aux distributeurs des hausses de tarif de 10 à 15 centimes par kilo de chorizo. « La spirale inflationniste ne se limite pas à la matière première, mais concerne aussi l’énergie, les salaires », souligne-t-il. Vu le discours ambiant sur le pouvoir d’achat, la répercussion des hausses de prix vers le consommateur n’est pas une sinécure.
« La tension du marché est mondiale, analyse Philippe Grojean, président de la Chambre syndicale de la boyauderie. Aucune amélioration n’est en vue dans les six mois à venir. Il y a un risque de rupture sur certains calibres de menus de porc. » Le pire est donc à craindre pour le chorizo, dont l’embossage est réalisé à partir de boyaux de cochon. D’autres produits sont également menacés, comme le boudin noir, la saucisse de Toulouse, le boudin blanc, la saucisse sèche ou encore l’andouillette. Selon les chiffres du syndicat, le prix de l’intestin grêle a flambé de 60 %, passant de 80-90 centimes l’unité durant l’automne dernier à 1,20-1,40 euro aujourd’hui.
L’origine du mal
Cette situation est principalement liée à ce qui se passe en Chine. Le sujet a été largement débattu au congrès de l’International natural sausage casing association (Insca), du 20 au 25 mai à Athènes. Les Chinois sont devenus consommateurs de menus de porc. Leur demande a été amplifiée par un hiver rigoureux. Facteur aggravant, l’élevage est en crise. Or, le marché du boyau est largement approvisionné par l’Empire du Milieu. C’est même le premier fournisseur mondial. Des boyauderies se sont installées sur place, profitant d’une matière première abondante et d’une main d’œuvre bon marché. Une grande partie des menus de porc utilisés chez nous en est issue.
Conséquence, les boyaudiers voient leurs stocks de menus de porc fondre à vue d’œil. De leur côté, les charcutiers n’osent pas imaginer une rupture d’approvisionnement. Des alternatives existent parfois, comme l’utilisation de boyau collagénique pour la saucisse de Toulouse. Mais, pas toujours. « La solution du boyau collagénique n’est pas techniquement au point, signale notre industriel du chorizo. Son prix n’est pas non plus le même, à 0,40 euro le mètre. »