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L'emmental de Savoie veut affirmer ses différences

Labellisé IGP depuis 1996, l'emmental de Savoie est une toute petite filière qui produit 3 000 tonnes de fromage par an et rassemble seulement trois fabricants. Souvent confondu avec l'emmental français ou le gruyère, ce fromage tente de faire valoir ses différences pour maintenir la filière. La fromager Chabert nous a accueillis dans ses locaux.

Fromage à pâte cuite à la texture trouée, l'emmental de Savoie est souvent confondu avec l'emmental français ou encore le gruyère. Il faut dire que toutes ces pâtes font partie de la grande famille des gruyères.

La différence entre chacun d'eux réside au niveau des trous du fromage. Ceux de l'emmental de Savoie sont les plus gros, de la taille d'une cerise ou d'une noix, et répartis de façon régulière. Ces « yeux » sont le résultat de l'affinage particulier de l'emmental qui se fait successivement en caves froide (6 °C durant trois semaines), tempérée (15 à 16 °C durant deux semaines) puis chaude (23 °C pendant six semaines). La fermentation doit durer au minimum 75 jours, mais certains producteurs peuvent aller jusqu'à 120 jours. À titre de comparaison, l'affinage de l'emmental français dure, lui, en moyenne 56 jours.

Affinage en cave chaude

C'est l'affinage en cave chaude qui donne l'aspect et les qualités organoleptiques au fromage. À la chaleur se crée une fermentation propionique. Les bulles de gaz dégagées lors de la fermentation sont alors emprisonnées dans la pâte et forment ces trous. La meule de fromage se bombe sur le dessus et crée une pâte souple. Cet affinage particulier procure sa saveur au fromage avec des notes douces et fines qui lui permettront d'être consommé en plusieurs occasions : cube à l'apéritif, en plateau avant les fromages de caractère, dans un sandwich, mais aussi en cuisine, vantent les opérateurs de la filière. Outre son aspect intérieur avec des bulles bien formées et homogènes, l'emmental de Savoie répond à plusieurs critères décrits par le cahier des charges de l'IGP.

760 producteurs répartis sur les deux Savoie

Les meules sont fabriquées avec le lait de vaches tarines, abondances et ” montbéliardes présentes chez 760 producteurs répartis sur les deux Savoie. La production se fait uniquement sur le territoire savoyard, mais l'aire géographique devrait évoluer dans quelques mois (voir encadré), pour intégrer des zones limitrophes, traditionnellement productrices. Enfin, chaque meule possède une véritable carte d'identité. Grâce à deux plaques de caséine glissées sur le talon de l'emmental, la fabrication peut être entièrement tracée (code pays, code fromagerie, numéros de meule et de cuve, et initiales du fromager).

Plus que trois fromagers

Si l'emmental de Savoie affiche une multitude de spécificité, la filière s'avère en danger. Même si la production nationale est stable à 3 000 tonnes par an, il ne reste plus que trois fabricants fromagers en Savoie : Chabert Production qui dispose de deux sites de production (fruitière de Vallières et fruitière d'Avressieux) ; Pochat Lactalis (fruitière d'Étaux) ; Masson (fruitière de Saint-Offenge). Si on le compare à la production d'emmental français, qui représente un volume annuel de 250 000 tonnes, l'emmental de Savoie fait figure de petit poucet. Pourquoi ce fromage n'a-t-il pas la cote chez les professionnels ? La faute à l'un des rendements les moins performants des fromages de Savoie. Avec 100 litres de lait, ” on peut fabriquer 8 kilogrammes (kg) d'emmental ou 10 kg de tomme ou 11 kg de raclette, ou encore 12 à 13 kg de reblochon. Or, les professionnels cherchent donc à obtenir les meilleurs rendements, sans compter que son affinage est long.

C'est aussi de la trésorerie immobilisée

« Pour un fromager, des meules qui maturent en cave, c'est aussi de la trésorerie immobilisée », explique Alexis Martinod, directeur de Savoicime, l'ODG (organisme de défense et de gestion) qui gère l'emmental de Savoie, mais aussi la tomme de Savoie et la raclette de Savoie. Malgré ces aspects économiques, peut-être rédhibitoires pour certains fabricants, l'emmental de Savoie affiche aussi des atouts industriels indéniables. Il est un formidable outil de régulation de la production, car il permet de « stocker du lait ».

Concrètement, lorsque les vaches surproduisent du lait à partir du printemps, la production d'emmental permet de valoriser le lait avec un produit qui pourra être commercialisé dans plusieurs mois. Il évite ainsi de revendre du lait sous cahier des charges dans des circuits moins valorisants (export en Italie, lactosérum, fromage de fonte…).

Un emmental dit de report

Il existe même un emmental de Savoie dit de « report ». Il s'agit d'un emmental dont l'affinage a débuté, mais qui a été stoppé en le plaçant en cave froide. L'affinage peut ainsi être reporté de plusieurs mois. En pratique, les fromagers ne vont que très rarement au-delà de douze mois, toujours pour une question d'immobilisation de la trésorerie. Pourtant, certains revendeurs, comme le crémier-fromager MOF 2004 Jacques Dubouloz, regrettent que certaines autres spécialités d'emmental aient aujourd'hui disparu. Crémier-fromager de père en fils il se souvient : « Enfant, mon père commercialisait un emmental de report à long affinage. Son goût était beaucoup plus prononcé et ses notes plus franches. Aujourd'hui, plus personne ne fabrique ce genre de produit, et les consommateurs ne sont plus éduqués à ce goût si typique. »

La fromagerie Chabert a investi à Vallières

Cette spécialité a disparu, mais les fromagers inscrits dans l'IGP poursuivent leurs efforts pour maintenir la filière, à l'instar de la fromagerie Chabert, implantée à Vallières, en Isère. L'entreprise qui possède neuf sites de production (200 collaborateurs) produit de l'emmental, mais aussi de la tomme de Savoie, de la raclette, du gruyère, du reblochon, de l'abondance et de la tome des Bauges. Chabert vient de boucler un investissement de plusieurs millions d'euros pour agrandir son site de Vallières spécialisé dans la production d'emmental.

Mais l'entreprise ne s'arrête pas là. Elle mène aussi un projet de diversification sur son unité de production de Sales en partenariat avec les producteurs de lait de l'Albanais (territoire situé entre le lac d'Annecy et le Lac du Bourget) pour valoriser leur production. Chabert devrait donc bientôt investir dans une ligne de fromage à pâte molle.

2015, l'année de la promotion

250000 euros : le budget est modeste, mais l'énergie développée par les acteurs de la filière emmental de Savoie est sans faille. En 2015, les professionnels, au travers de l'organisme de défense et de gestion (ODG), investiront les points de vente français en grandes et moyennes surfaces et chez les crémiers-fromagers. L'objectif est d'animer le rayon, de faire de la promotion, mais aussi de faire déguster aux consommateurs l'emmental de Savoie. Plus de 2700 crémiers vont participer à l'opération. Pour convaincre le consommateur, l'emmental de Savoie compte bien afficher ses arguments nutritionnels : 100 grammes d'emmental apportent autant de protéines que quatre œufs et 1 gramme de calcium. L'emmental est également riche en vitamines A, D et B2 et pauvre en sel avec seulement 0,3 gramme pour 100 grammes. Autre évènement important en 2015 : la révision de l'indication géographique protégée (IGP). En effet, l'ODG travaille déjà sur une amélioration du cahier des charges. Ainsi, la zone géographique de l'IGP devrait être redécoupée en ôtant les hauts massifs montagneux et en rajoutant quelques communes des départements de l'Ain et de l'Isère où l'emmental est traditionnellement produit.

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