L’élevage allaitant européen bientôt protégé ?
La spécialité traditionnelle garantie (STG), signe de qualité européen visant à préserver « la composition traditionnelle d’un produit ou d’un mode de production », fort peu utilisée depuis sa création en 1992, avait bien failli disparaître. La commissaire européenne à l’Agriculture Mariann Fischer Boel préparait même son enterrement. Mais les réponses au livre vert sur la qualité soumis par Bruxelles ces derniers mois aux États et professionnels européens ont fait apparaître un revirement des gouvernements et des opérateurs. « Au lieu de la faire disparaître, adaptons-la », ont-ils répondu. Cette montée au créneau n’a pas été du goût de Mariann Fischer Boel, qui a cependant ouvert la porte, sans conviction, à un maintien de ce « signe de qualité ». Ces derniers mois, plusieurs filières françaises se sont montrées intéressées par la STG : Un dossier « moules de bouchot », a déjà été expédié à Bruxelles ; ceux de l’« emmental » et du « veau élevé sous la mère » sont en préparation.
Mais c’est sans doute celui du « bœuf de tradition élevé à l’herbe » qui a convaincu le ministère français de l’Agriculture de défendre la pérennité de la STG à Bruxelles. Ce dossier de grande ampleur, commun à plusieurs pays, concerne potentiellement des pans considérables de la production européenne de viande bovine. Le cahier des charges de la STG « bœuf de tradition élevé à l’herbe » comporte quatre critères principaux : les veaux doivent avoir été élevés pendant quatre mois au pis ; les animaux doivent avoir plus de 20 mois, la production doit respecter les critères d’écoconditionalité, seule la race Bos Taurus est autorisée.
Les oppositions en voie de disparition
Le dossier a franchi une première étape dans le marathon de la réglementation : la procédure nationale d’opposition. Elle a eu lieu dans l’ensemble des États concernés. Seules deux oppositions sont apparues en France : L’une émanant de FQRN (Filière qualité race normande) et l’autre du Syndicat de défense du bœuf traditionnel normand, dit Bringé. Mais, selon nos informations, ces deux oppositions devraient être levées par leurs auteurs.
Contre toute attente, la Commission européenne a fini par s’approprier ce projet : « Nous avons eu une réunion très positive à Bruxelles, se réjouit Peter Hardwick, coordinateur du dossier dans la capitale européenne. La dénomination de la STG « bœuf de tradition élevé à l’herbe » va dans le sens de la philosophie agricole bruxelloise, très portée sur le développement durable. Le fait que ce dossier concerne plusieurs états membres semble avoir beaucoup plu à Franck Fay, le chef adjoint de l’unité qualité de la DG Agri. » Les États à l’origine du dossier (France, Grande-Bretagne, Irlande) pourraient d’ailleurs être rejoints en cours de route par l’Espagne, la Belgique ou l’Italie. Le principal obstacle à leur association semble être l’absence de structures officielles interprofessionnelles. Le dossier est considérable : 32 races à viandes sont concernées, dont 11 en France. « L’enjeu de ce dossier, fait remarquer Marc Pagès, directeur de Fil Rouge, c’est l’avenir de l’élevage allaitant, soit 30 à 40 % du marché français.»
Mais le sort de la STG n’est pas scellé. La Commission communiquera sa position le 27 mai. Même si elle était négative, le dossier bovin poursuivrait son cours, mais serait freiné par «l’abandon» de la STG. Compte tenu de l’enjeu (c’est le plus important dossier de protection traité à Bruxelles), on peut espérer qu’il ne rencontrera pas de nouveaux obstacles. La première étape reste de lever l’hypothèque des oppositions françaises. Cela permettrait au ministère anglais de l’Agriculture d’envoyer officiellement le dossier à la Commission pour étude. Dans le meilleur des cas, un enregistrement officiel de cette nouvelle segmentation « officielle » de la viande bovine en Europe aurait lieu fin 2010 ou début 2011.