« Le secteur porcin doit encore se restructurer »
LM : Quelle évolution du marché porcin voyez-vous en 2009 ?
Paul Rouche : D'abord, un rapide bilan de 2008. L'année a été plutôt difficile pour les abatteurs découpeurs. A la fois en longe et en jambon, ce qui est inédit. La consommation de porc n'a progressé que d'environ 1 %. Dans un marché rétréci, les opérateurs se sont bagarrés sur la longe. Le prix du jambon est resté sous pression tout au long de 2008, à cause des salaisonniers, eux-mêmes écrasés par les distributeurs. Pour les salaisonniers, la situation économique apparaît très difficile. Les quatre ou cinq plus gros vont afficher des pertes assez conséquentes. C'est inquiétant, car ce sont nos clients.
Du côté des exportations, le bilan est très positif. Elles ont été favorisées par l'octroi de restitutions sur une longue période, entre décembre 2007 et août 2008. Cela a soutenu les prix. Les restitutions doivent maintenant être réactivées, car l'export tourne au ralenti avec la crise. Certains clients des pays tiers ont des difficultés financières, d'autres subissent une dévaluation monétaire, la livre s'effondre. Parallèlement, l'offre reste abondante et la demande s'essouffle. Il faut s'attendre à environ quatre mois difficiles. Progressivement, la physionomie du marché va changer, avec une baisse de 4 à 5 % de la production européenne en 2009. En attendant, des restitutions sont nécessaires, notamment afin d'atténuer le contrecoup de l'arrêt des promos, qui sont lancées cette semaine pour huit à neuf jours. J'ai peu d'espoir que le prochain Comité de gestion, fin janvier, les accorde. Par ailleurs, un danger menace. La Russie risque de supprimer l'agrément à l'export d'outils d'abattage en France, comme elle l'a fait aux Pays-Bas.
LM : Quel regard portez-vous sur la concentration du secteur porcin français ?
P. R. :Deux restructurations sont intervenues en 2008, entre Cooperl et Arca, Bigard et Socopa, après une première en 2007, entre Gad et Europig. Désormais, quatre entreprises françaises font partie du Top 10 européen. Derrière Danish Crown, Vion, Tönnies Fleisch, arrive Cooperl, puis Bigard, Gad Europig, Bernard. Mais les deux premiers français font respectivement 22-23 % et 21-22 % de parts de marché national. C'est encore peu. Danish Crown pèse 85 % au Danemark et Vion 65 % aux Pays-Bas. La concentration dans l'Hexagone doit se poursuivre, tant dans l'abattage découpe que dans la salaison. On parle beaucoup de répartition des marges. La distribution est toute puissante et met la pression sur le reste de la filière. Un rééquilibrage permettrait aux autres maillons de sortir davantage de marges, élément indispensable pour l'innovation, la compétitivité sur les marchés extérieurs.
LM : Une période de promotions s'est ouverte. Constatez-vous des abus en grande distribution ?
P. R. : J'ai relevé un tract affichant de l'épaule de porc à 1,50 euro/kg, avec à l'appui une photo de jambon. Ce n'est pas sérieux. La viande porcine est utilisée comme produit d'appel. 60 % des volumes sont vendus en promo. Le reste du temps, les distributeurs réalisent de grosses marges sur le fond de rayon. De telles pratiques pénalisent tout le monde. Elles doivent être revues. C'est un gros dossier pour l'interprofession. Une autre attitude regrettable est que le distributeur raisonne en fonction du rayon boucherie et non par espèce. Le bœuf, le veau étant déjà assez chers, toute la marge est réalisée sur le porc. Cela ne dynamise pas notre produit.