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CONSOMMATION DE LAIT ET DE PRODUITS LAITIERS
Le « oui, mais… » des Japonais

En seulement cinquante ans, le Japon s’est imposé comme un acteur majeur dans le paysage laitier mondial. Pourtant, la question de l’implantation définitive de la consommation de lait et de produits laitiers dans la culture nippone persiste, particulièrement en ces temps de morosité économique.

Il y a de cela un demi-siècle, le lait et ses produits n’occupaient qu’une place négligeable dans l’alimentation des Japonais - la consommation annuelle de produits laitiers ne s’élevait pas au-delà de 3 kilos (en équivalent lait) par habitant en 1950. Ce chiffre a explosé, pour atteindre 48,6 kilos en 2007. Cette même année, la production de lait s’élevait à 8024000 tonnes, et les importations à 3630000 tonnes d’équivalent lait. Par ailleurs, deux groupes japonais, Meiji Dairies et Morinaga Milk Industries, occupent respectivement les 11e et 14e rangs du classement mondial des entreprises laitières.
Cependant, les dernières années sont marquées par une certaine morosité. La production laitière japonaise baisse régulièrement depuis le milieu des années quatre-vingt-dix : en l’espace d’une décennie, celle-ci a diminué de 7 %, au rythme annuel de 1 % depuis 2002. Les perspectives récentes prévoient la poursuite de cette tendance, avec une baisse annuelle de 0,5 % entre 2009 et 2019 selon Fapri (Food and Agricultural Policy Research Institute).
Cet affaiblissement de la production s’explique, entre autres, par le recul de la consommation intérieure, en particulier celle de fromages: elle aurait diminué de 3 % en 2009, après avoir déjà chuté de 13 % en 2008, selon l’Institut de l’élevage. Et les importations en ont subi les conséquences : en l’espace de deux ans, le Japon a diminué ses importations de fromages de 18,5 % : 184 000 tonnes en 2009, contre 226 000 tonnes en 2007.
Si on peut faire le parallèle entre la morosité récente du marché laitier japonais et la crise financière, ces chiffres n’en restent pas moins préoccupants. Le Cniel est d’ailleurs sur le point de lancer une campagne de communication au Japon, afin d’aider et de renforcer l’intégration du fromage dans la culture alimentaire des Japonais.

LE LAIT, UNE HISTOIRE ANCIENNE ET RÉCENTE

L’implantation définitive de la culture du lait et des produits laitiers n’est en effet peut-être pas aussi évidente qu’on aurait pu le penser, comme l’a fait remarquer le docteur en agriculture Komei Wani à l’occasion du colloque de l’Ocha(1) « Cultures des laits du monde » en mai dernier( 1). Il a souligné la nature particulière des relations entre le pays du Soleil levant et les produits laitiers, à la fois anciennes et extrêmement récentes. Il a également expliqué comment la culture du lait s’est développée à plusieurs reprises mais sans jamais parvenir à s’implanter définitivement.
« Tout au long de son histoire, le pays du Soleil levant a été influencé par les cultures des pays voisins – et en premier lieu la Chine. Le So(2) était réservé à l’élite, apprécié pour le luxe qu’il représentait et les vertus nutritives qu’on lui attribuait. Il était une forme de tribut à l’Empereur tout autant que le présent par excellence au sein de la haute aristocratie, à l’occasion d’une nouvelle année ou de l’investiture d’un ministre.» Le lait, à travers le produit médicinal qu’était le So, occupa donc pendant longtemps une place importante dans la culture japonaise. Sa consommation a pourtant progressivement décliné pour disparaître complètement au XIVe siècle. Les guerriers et le peuple ayant pris la place de l’aristocratie, la culture du riz a été encouragée auprès des fermiers, au détriment du lait.

500 ANS PLUS TARD…

Le Japon a ensuite rencontré de nombreuses cultures au cours des siècles, pourtant, le lait ne redevint un produit de consommation pour le Japonais que 500 ans plus tard, à la fin du XIXe siècle. Entre temps, son image s’était considérablement détériorée – boire du lait était vu à l’époque comme un comportement hautement anti-social. « Les choses changèrent avec la restauration de Meiji en 1868, caractérisée par une forte politique de modernisation et d’occidentalisation. Ainsi, le gouvernement fit du lait un symbole de la culture et de la technologie modernes auxquelles devait s’adapter le Japon », poursuit-il. C’est à cette époque qu’Hokkaido, l’île septentrionale du Japon, fut désignée pour être le centre de l’industrie laitière. La politique volontariste du gouvernement échoua toutefois partiellement : le lait ne fut toujours pas perçu comme un produit alimentaire, mais comme un médicament qu’on donnait aux personnes malades et aux enfants en très bas âge.
Ce n’est véritablement qu’au moment de l’après-guerre que s’est joué l’engouement actuel du Japon pour le lait et les produits laitiers. Les installations de production et de distribution du pays vaincu étaient en ruines. Le gouvernement accepta par conséquent l’aide alimentaire proposée par les nations victorieuses.

UNE CULTURE DU LAIT PAS ENCORE STABILISÉE

Le changement forcé de régime alimentaire modifia profondément les habitudes, et en particulier la perception des produits laitiers. En peu de temps, le lait, et plus particulièrement le fromage fondu, devinrent un produit de consommation courante. 50 années suffirent au Japon pour occuper sa place actuelle. Toutefois, ce développement rapide soulève la question : effet de mode ou pratique désormais ancrée dans la culture ? « Les habitudes alimentaires ont une nature conservatrice, et sont difficiles à changer », répond Komei Wani. « Tout changement dans ces habitudes n’est accepté, stabilisé et installé qu’après avoir franchi de nombreuses portes (…). Si l’on devait comparer l’introduction l’acceptation et la stabilisation de la culture du lait au Japon à une relation [amoureuse], nous n’en sommes qu’aux fiançailles », conclut-il.

Les importations japonaises de produits laitiers proviennent majoritairement de l’Océanie. L’Australie et la Nouvelle- Zélande représentent environ 70 % des importations en 2009, suivies par l’Union européenne. La demande de fromages, qui avait reculé en 2008 du fait de l’augmentation des prix du fromage à l’international et d’un yen faible, se rétablit en 2009. « Les prix du fromage importé ont plus que doublé ces 2 dernières années (4500 dollars/ tonne en moyenne en mars 2009) », précise Sopexa Japon. Entre avril 2009 et mars 2010, on observe une hausse de consommation de fromage, avec une variation de +6,2 %. « En 2010, le prix du fromage importé augmente, mais le yen reste fort. La consommation devrait donc être plus importante qu’en 2007 et 2008 ». Toutefois, cette augmentation devrait être modérée, en raison du déclin démographique et de la récession économique.

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