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Turquie
Le lait bientôt premier acteur du secteur agroalimentaire turc

Une croissance exponentielle, un niveau technique élevé, des investisseurs entreprenants, des consommateurs acquis, un gouvernement engagé… Tous les ingrédients sont réunis pour faire du lait, l’activité agroalimentaire majeure du pays.

La Turquie occupe aujourd’hui le 15è rang du classement des pays producteurs de lait. Mais tout pousse à dire qu’elle dépassera rapidement et largement les 12,5 milliards de litres affichés aujourd’hui dont le lait de vache représente 92 %. L’analyse de l’évolution de la production laitière de lait de vache depuis le début du siècle est instructive à ce titre. Le pays est passé d’un volume situé entre 8 et 9 milliards de litres en 2000 à 11,5 milliards en 2009. La volonté du gouvernement est là, mais celle des investisseurs privés également.
Le premier laitier du pays, l’entreprise familiale Sütas, s’est donné comme objectif de doubler le volume de lait qu’il traite d’ici fin 2012 en développant ses fermes intégrées qui comptent plus de 1000 têtes, et en aidant les producteurs à agrandir leur troupeau (lire pages 44). En 2010, Sütas a transformé 750 millions de litres de lait. Et si 81 % des fermes comptent moins de 9 vaches, des fermes privées de 2400 têtes ont vu récemment le jour à Izmir et à Denzili. Le ministère de l’Agriculture a lui aussi pris des mesures pour conforter la production de lait et surtout sa livraison. Car seulement 40 % du lait est livré et beaucoup de produits (lait cru, yaourt et produits traditionnels) arrivent dans les petites échoppes sans avoir subi des contrôles et sans être déclarés. Autre problème, l’instabilité du prix du lait à la production. Une instabilité qui n’est pas seulement le résultat de la conjoncture laitière mondiale mais aussi d’une forte saisonnalité décalée par rapport aux fortes périodes de consommation.

 

ENJEUX

La Turquie considère qu’elle peut exporter davantage. Les portes de l’Europe lui sont encore fermées. Pendant ce temps tout est fait pour améliorer la santé animale et la qualité du lait matière première. La région de Thrace a ainsi reçu un certificat « free from foot and mouth disease » par l’OIE en mai 2010 suite à des travaux mis en place par le ministère de l’Agriculture. Trois autres projets sur la peste des petits ruminants est en cours sur l’ensemble du pays. Le ministère de l’Agriculture et des affaires rurales a produit des guides de bonnes pratiques d’hygiène à la ferme et en usines et travaille avec les associations d’industriels pour garantir un niveau technique en adéquation avec la législation européenne et faire ainsi évoluer la réglementation.

STABILISER LE PRIX DU LAIT À LA PRODUCTION

Pour amener plus de sérénité et favoriser le développement de la filière, un Conseil national du lait a été créé il y a trois ans. Celui-ci réunit les producteurs de lait à travers leurs coopératives, les industriels et l’Etat. Neuf personnes y siègent. « En réunissant tous les acteurs de la filière, le Conseil espère mieux comprendre les évolutions des marchés et du prix du lait », explique Harun Calli, le président du Conseil national du lait. « L’objectif final est de stabiliser le prix du lait », poursuit-il. Le budget du Conseil national est de 243000 euros provenant des cotisations des 162 coopératives de collecte et des entreprises privées : 1500 euros pour chacune. Le ministère de l’Agriculture met sur la table 15 millions d’euros. La création du Conseil national du lait s’est traduite par de nouvelles règles pour le calcul de l’évolution du prix du lait.Tous les trois mois, le Conseil déclare le coût de production d’un litre de lait à la ferme. Ce chiffre, estimé à partir du suivi d’une exploitation disposant de 10 vaches, constitue le prix minimum. Des négociations ont lieu ensuite dans les régions. La région de référence est Marmara: elle représente 58 % du lait collecté. Ainsi, en novembre dernier, le prix minimum d’un litre de lait était de 64 centimes de TL (livre turque), mais certaines entreprises ont payé jusqu’à 72 centimes de TL.

DES INDUSTRIELS AGRESSIFS

Cette volonté d’organiser la filière se retrouve aussi au niveau des entreprises. Alors qu’il existe depuis 1978 une organisation pour le lait et la viande qui regroupe les coopératives d’agriculteurs et les entreprises privées (Setbir dont le siège est à Ankara), un nouvel organisme s’est créé en 2009 dont les membres sont les fabricants de produits laitiers emballés. Asud, dont le siège est à Istanbul, veut faire la différence avec les produits laitiers qui échappent à l’industrie. « Nous voulons lutter contre la mauvaise qualité, le lait cru non emballé et l’économie non enregistrée », précise Harun Calli qui est également président d’Asud.Asud représente la filière laitière turque à la FIL (la Turquie a rejoint la FIL en 2009). Cette double représentativité des entreprises est amenée à évoluer. Des discussions ont lieu actuellement pour faire cohabiter au mieux des entreprises concurrentes.
Le secteur laitier turc est en effet très agressif. La concurrence y est rude. Le leader du marché, Sütas, n’est pas le premier collecteur. Cette place revient au challenger, le géant de l’agroalimentaire turc,Yildiz Holding et sa division agroalimentaire Ülker, qui représente nombre de marques importées notamment Granini, Kellogs, Ducros… et qui vient de reprendre la fameuse marque de chocolat belge Godiva. Premier acheteur de matière première turque,Yildiz collecte à lui seul, 8milliards de litres de lait auprès de 100 centres de collecte lui appartenant. Il possède trois usines laitières dont deux situées à proximité du grand bassin de consommation qu’est Istanbul et sa périphérie et la troisième à Ankara. Il est connu pour ses marques Içim et Ülker.

 

LES FRANÇAIS BIEN PRÉSENTS

Et preuve de l’intérêt que représente le marché turc, qui peut aussi devenir un tremplin pour atteindre les pays voisins des Balkans et du Proche et Moyen- Orient, la présence importante d’entreprises laitières françaises. A commencer par Danone, en Turquie depuis 15 ans et qui a introduit le quark et les desserts laitiers, segments sur lesquels la marque est leader. Danone a été rejoint il y a trois ans par le groupe Bel qui a établi une jointventure avec le turc Karper et par Andros en joint-venture avec Eker. Le couple vient d’emménager dans une nouvelle usine et veut gagner des points sur le segment des desserts notamment. Dernier arrivé, le groupe Bongrain, en joint-venture avec Gida pour les fromages fondus, un secteur en développement. Le premier laitier turc s’y lance aussi dans sa nouvelle usine anatolienne avec sa marque Sütas.
« Le secteur laitier va devenir le premier secteur de l’industrie agroalimentaire.Toutes les bases sont réunies pour progresser et ce dans le sens du développement durable », exprime Eröl Dönmez, vice-président de Yildiz Holding. La Turquie qui connaît un développement économique de 8 % et dont les standards techniques sont ceux de l’Union européenne vers laquelle elle ambitionne d’exporter et à laquelle elle souhaite adhérer, sont autant d’atouts qui plaident en faveur de partenariats stratégiques. Car les exportations sont limitées: le ministère de l’Agriculture autorise d’importer la même quantité de lait que le pays exporte.

Un marché en hausse de 10 % en 2010

Un marché en hausse de 10 % en 2010 - Source Institut de recherche économie agricole - TEAE

Depuis 1999, la grande distribution n’a de cesse de grandir. Carrefour et Migros sont présents mais ce sont les discounters qui ont le vent en poupe : Aldi, Dia, SDK. Le plus gros est BIM, un distributeur turc qui compte 3000 points de vente. Le yaourt à boire nature Ayran, connait un développement important. Autres produits en croissance : les desserts, le fromage frais et les spécialités pour bébés. Le marché a enregistré en 2010 une hausse de son chiffre d’affaires de 10 % correspondant à une hausse de la collecte dans les mêmes proportions. Son chiffre d’affaires est 12 milliards d’euros selon Asud qui considère qu’un kilo de lait est valorisé à un euro sur le marché. Nielsen qui a fait une enquête en 2009 sur les ventes de détail estimait pour sa part le marché à 3 milliards d’euros.

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