Le labo ou le frigo
La FNSEA tient son AG la semaine prochaine au Grand Bornand, en Haute-Savoie, « au cœur du monde rural, au plus près des paysans, et pour donner un signe fort à la montagne » dit Jean-Michel Lemétayer. Ca tombe bien : c’est également au plus près du ministre… Espérons que la montée en altitude ne trahira pas un souffle trop court du syndicalisme, et que les esprits sarcastiques ne s’acharneront pas sur les métaphores montagnardes, genre « les dangereuses glissades », « l’avalanche des affaires » et autre « période de glaciation » du grand syndicat. Comme avant chaque congrès un peu doctrinal, on redonne la vedette au secrétaire général Dominique Chardon, qui fût jadis l’espoir et le chef de file de ce qu’il était alors convenu d’appeler rue de la Baume le « clan des philosophes ». Lequel se brisa plusieurs fois sur les divisions lourdes de Luc Guyau, mais passons, c’est de l’histoire ancienne. Cette année, la question est de redonner à la FNSEA des perspectives en profondeur. « Avons-nous besoin d’un syndicalisme de masse ou de lobbying, ou existe-t-il une troisième voie ? » se demandent Dominique Chardon et Jean-Michel Lemétayer. On craint pour eux que la réponse soit : les deux en même temps, et aussi la troisième. L’organisation de masse et l’influence sur les décisions politico-administratives, la FNSEA sait le faire depuis longtemps et plutôt pas mal. Ce qu’elle réussit moins bien désormais, c’est à montrer la voie, à donner à ses adhérents des idées ambitieuses et fédératrices. Au fond, la question est : la FNSEA croit-elle encore au progrès, ou seulement à une gestion plus ou moins habile des dossiers ? Les agriculteurs croient-ils encore aux idées, ou seulement à la communication ? Le syndicalisme agricole a-t-il encore le talent d’être un laboratoire d’idées, ou n’est-il plus que le frigo de conservation de quelques petits privilèges acquis à la pointe des flamboyants combats de jadis ?