« Le jugement de Paris » de George M. Taber

Avant cette fameuse dégustation de 1976 appelée, par la suite, un peu pompeusement « jugement de Paris », la suprématie française en matière de vin était incontestée. La confusion du jury, uniquement composée d'experts français, et les résultats de cette dégustation à l'aveugle, organisée par le marchand de vin d'origine britannique, Steven Spurrier, des caves de la Madeleine à Paris, et sa collaboratrice américaine Patricia Gallagher, de l'Académie du Vin, a changé brutalement cette perception. Le seul journaliste présent, George M. Taber, longtemps correspondant du “ Time ” à Paris, revient en détail sur cet événement qui sonna comme un coup de tonnerre dans le monde du vin. Aussi bien en rouges qu'en blancs, c'est une cuvée californienne qui détrôna les grands crus français pour les papilles du jury. Il allait désormais falloir compter avec ces viticulteurs du Nouveau Monde. Le livre de Taber qui se lit comme un roman revient sur l'épopée des pionniers de la Napa Valley, les Gallo, Mondavi, Davies, Tchelistcheff, Winarski, Grgich, Barrett… Des viticulteurs et maîtres de chai sans tradition ni héritage viticole mais curieux et téméraires. A force d'expérimentations, avec pour modèle les grands vins français, ils vont finir, à partir des années 60, par produire sur la côte Est de jolis nectars en abandonnant progressivement les cépages locaux. Alors que la Prohibition avait sonné le glas de la plupart des caves qualitatives de la Napa Valley, le goût américain avait évolué vers des vins secs de « bonbonne » et des vins doux sucrés, de piètre qualité. La génération hippie se rapproche des vins des « nouveaux » viticulteurs pour se démarquer de ses parents, amateurs de martini et de whisky. Mais lorsque les amateurs veulent du bon vin, ils achètent encore français. Le « jugement de Paris » va changer surtout la perception des vins américains par les Américains, surtout à New York, le plus gros marché de consommation à l'époque, et donne le coup d'envoi du véritable essor du vignoble californien. Au delà des légendes et des polémiques générées par l'événement, il n'en demeure pas moins, comme le disait Robert Mondavi, que « la dégustation de Paris fut, pour l'histoire du vin en Californie, un événement crucial qui nous inscrivit de façon nette sur la carte des grandes régions productrices de vin dans le monde ».