Le gruyère ne sera pas une pomme de discorde franco-suisse
« Nous saluons l’initiative française, même si nous avons un petit pincement au cœur. Mais le contexte historique ne peut être ignoré » explique Philippe Bardet, directeur de l’interprofession suisse du Gruyère, réagissant pour Les Marchés à l’annonce du possible aboutissement de l’AOC Gruyère en France (LM du 7/2). Le contexte historique, c’est tout d’abord la convention fromagère internationale de 1930, qui a accordé une utilisation conjointe du terme Gruyère à la France et à la Suisse. Un accord jamais remis en cause tout au long de ces années, des conventions successives ou des accords bilatéraux. Depuis, le partenariat c’est même renforcé sur certains dossiers. « Nous avons obtenu de concert que le nom Gruyère ne soit pas introduit au Codex alimentarius, qui en aurait fait un terme générique. Maintenant, si les Français obtiennent leur AOC, voire une AOP, nous considérons que ce sera une protection supplémentaire au niveau de l’Europe. Cela éviterait que le nom de Gruyère soit galvaudé ou encore que l’on en fabrique un peu n’importe où en Europe et surtout n’importe comment.»
L’AOP plus compliquée
Pourtant, Philippe Bardet est plus réservé sur le projet d’une AOP transfrontalière. « Du fait de la position de la Suisse par rapport à l’Union européenne, il est difficile d’envisager une seule structure pour gérer une appellation commune. Nous devons rencontrer prochainement la DPEI qui doit nous faire connaître sa position. La mise en place de deux cahiers des charges très proches, pour deux AOC, qui resteraient des entités séparées, me paraît plus facile à réaliser. Mais dans tous les cas, nous considérons que la demande d’AOC française et la zone géographique de l’appellation sont fondées sur une antériorité historique et des critères agronomiques correspondant tout à fait à la zone de la production traditionnelle. » L’an dernier, 28 000 tonnes de Gruyère ont été fabriquées, 9 000 à 10 000 tonnes ont été exportées dont 2 000 en France.