Le coup du parapluie
Quand la raison ramènera-t-elle le péril de la grippe aviaire à sa juste distance : proche mais sous surveillance pour le cheptel européen, très éloigné pour une éventuelle transmission à l’homme, purement hypothétique pour ce qui est de la transmission interhumaine ? Deux semaines après le début de l’emballement médiatique, il y a de quoi s’interroger. En théorie, l’accumulation des avis scientifiques incontestables entendus et publiés ces derniers jours aurait dû reléguer le dossier aux pages scientifiques des journaux. Pourtant, il faut bien constater qu’il n’en est rien et que la mort banale de trois canards dans un étang dans le Mâconnais ou au fin fond des îles grecques donne lieu à une cascade de dépêches, généralement suivie plus tard d’un discret démenti sur l’origine des décès . L’attrait du sensationnel y est sans doute pour quelque chose, même si l’on peut penser que les frissons des téléspectateurs et des lecteurs vont finir par s’émousser. Mais on ne peut s’empêcher de penser que la filière volaille est aussi victime actuellement du souvenir des affaires du sang contaminé et de l’ESB et du très pratique coup du parapluie : celui que l’on ouvre pour s’exonérer par avance de toute accusation de complaisance sur l’air du « je vous l’avais bien dit !». En clair, était-il vraiment nécessaire, par exemple, que Dominique de Villepin évoque mercredi devant les responsables parlementaires -puis publiquement- trois cas de « suspicion » de grippe aviaire chez des Réunionnais qui n’avaient finalement attrapé qu’un gros rhume.Il paraît que le Premier ministre entendait ainsi « rassurer les Français en leur donnant une information complète ». Oui, mais était-ce bien une information ?