Le cochon, un animal ambigu en exposition
Le musée régional d’anthropologie de Corte consacre depuis cet été une vaste exposition à la place des suidés dans la société corse. Elle comporte d’une part une démarche didactique, où les enfants découvrent, entre autres, de quelles parties du cochon sont faites les charcuteries locales ; et d’autre part un parcours qui s’emploie à rappeler combien porcs et sangliers peuplent l’imaginaire et les rituels depuis le fond des âges.
Frappé par la relation singulière que les suidés entretiennent avec la mort, l’ethnologue Max Caisson a construit cette exposition selon une trame narrative circulaire allant de la vie à la mort de l’animal. Deux idées maîtresses gouvernent le propos. D’abord le porc possède deux figures, l’une sauvage, l’autre domestique. Cette réalité lui permet de jouer un double rôle de médiateur entre nature et culture mais surtout entre morts et vivants. Et puis, le porc nous ressemble, dans sa physiologie mais aussi dans certains de ses comportements « sociaux». D’où la très troublante question qu’on doit se poser devant l’art des charcuteries : cette frénésie à transformer autant le porc en produits où la viande brute n’est plus reconnaissable ne trahirait-elle pas notre peur de manger cet animal qui nous ressemble tant ?
Le ton est donné : il s’agit, à travers la représentation d’objets du XIXe siècle pour l’élevage et l’abattage, de textes médiévaux relatifs au culte de Saint Antoine, un abbé couramment associé au cochon, ou encore de nombreuses gravures, photos et pièces d’antiquité, de décrypter la place et le rôle qu’ont occupé jusqu’alors le porc domestique et le sanglier en Corse. Des chasses rituelles à la tumbera hivernale en passant par les « croisés» qui peuplent le maquis, ce voyage intérieur s’avère passionnant.
Musée de la Corse. Jusqu’au 30 décembre 2004. Tél : 04 95 45 25 45