Le brebis Lou Pérac fait du bruit au pays du Roquefort
« Notre position est simple, confie Luc Morelon, chargé de la communication chez Lactalis. L’AOC roquefort, avec ses caractéristiques bien spécifiques, est aujourd’hui sur un marché relativement stagnant et nous nous faisons dépasser par des concurrents qui commercialisent des fromages persillés au goût plus doux. Nous avons donc décidé de nous adapter au marché en proposant, à notre tour, un concept à base de lait de brebis pasteurisé, susceptible de concurrencer les produits similaires.» Depuis le mois d’octobre, on peut ainsi trouver du persillé de brebis Lou Pérac, dans les rayons frais libre service des grandes surfaces. Présenté en portion, il est préemballé en coque plastique, différente de celle du roquefort, dotée d’une fenêtre laissant apparaître le produit et portant des codes couleurs dans les tons beiges.
Mais, dans le rayon de Roquefort Aire géographique sur laquelle le lait de brebis est collecté pour l’AOC roquefort., où se fabrique l’AOC, le lancement du produit ne semble pas du goût des éleveurs de brebis, ni des industriels concurrents de Société des Caves, filiale de Lactalis, qui craignent une déstabilisation de la filière. « Lactalis veut proposer aux consommateurs un produit plus moderne, mais cela pose le problème du positionnement de notre AOC, estime Jacques Bernat, président de la FRSEB (Fédération régionale syndicale des éleveurs de brebis). Éleveurs et industriels sont avant tout organisés autour du « rayon » et de la fabrication du roquefort. S’il doit y avoir une diversification, et nous considérons que c’est une nécessité pour l’intérêt économique régional, elle doit se faire sur un créneau différent et ne pas empiéter encore sur la famille des bleus et des persillés. »
Le lait restera payé au prix fort
La Confédération générale de roquefort, interprofession de la filière, dont l’un des « piliers fondateurs » a toujours été la défense de l’AOC roquefort, craint de ne plus être crédible, à terme, dans sa « défense contre les copies ». Elle a demandé la position de l’INAO sur ce qu’elle considère comme un détournement d’appellation et une contrefaçon. Pour Lactalis, il n’y a pas d’ambiguïté possible : le fromage étant commercialisé sous la marque Lou Pérac, consacrée à sa gamme brebis, aucun lien ne peut être fait avec le roquefort Société (marque réservée au roquefort).
Les éleveurs craignent également que ce fromage, qui n’est pas lié au terroir par son cahier des charges, puisse être fabriqué hors région, avec un lait collecté en dehors du rayon. Lactalis, pour sa part, assure que la fabrication se fera avec le lait du rayon, payé au même prix que pour le roquefort, c’est-à-dire au prix fort Trois tarifs sont, chaque année, appliqués au lait de brebis produit dans le rayon de Roquefort : un tarif élevé pour la fabrication du roquefort, un tarif intermédiaire pour la fabrication de fromages de type fêta et un prix bas pour la poudre de lait.. « La diversification étant ce qu’elle est, si la production de Lou Pérac se développe, il y aura toujours du lait disponible à prendre sur les quantités aujourd’hui transformées en poudre ou en fêta, et donc moins bien valorisées, poursuit Luc Morelon. Et notre objectif n’est pas, non plus, de faire baisser les tonnages de roquefort.» En attendant, à la mi-novembre, le prix du lait qui se négocie chaque année entre industriels et éleveurs, n’était pas encore fixé.