Le bœuf normand sur la voie de l’AOC
Le bœuf normand est un bœuf rustique, élevé à l’herbe pendant six à sept mois et au foin avec complément de céréales l’hiver. Le bocage normand fournit un gros quota de prairies extensives l’été, et l’hiver, le bœuf n’est pas très gourmand. Il est produit sur toute la Normandie et rentre en complémentarité avec le système laitier des AOC dont le cahier des charges prévoit un passage à 50 % en normande par troupeau en 2015. Côté qualitatif, sa réputation n’est plus à faire et tout le monde reconnaît la tendreté, la saveur et le fondant de la viande. Mais malgré tous ces attributs qualitatifs, les abatteurs et les distributeurs restent frileux et demandent que le projet avance avant de prendre position. Or l’Inao demande qu’il existe une vraie filière de commercialisation afin que le produit soit viable. C’est le serpent qui se mange la queue...
Un potentiel de 1 500 têtes
Le syndicat est constitué depuis 2002 sous le nom du « Syndicat de défense et de promotion du bœuf traditionnel normand », mais entre autres problèmes restant à régler, le nom géographique n’est pas encore défini. Plusieurs possibilités d’appellations sont à l’étude. Le Bringé Cotentin de Normandie est envisagée, tout comme le « Bœuf Normand », mais l’AOC ne peut porter sur le nom de la race. Cotentin, de son côté, est trop restrictif . Enfin, « bringé » n’est pas un terme géographique mais la caractéristique de la couleur de la robe de l’animal. Là encore, on tourne en rond !
« Pourtant, c’est bien sous le nom de “bœuf normand” que s’est faite la réputation du produit, s’étonne Franck Guesdon, président du syndicat. La renommée du bœuf normand n’est plus à démontrer. D’autre part, le bœuf de Charolles (Ndlr également en demande d’AOC) porte bien le nom de la race, alors pourquoi pas nous ? » Le dépôt du dossier à l’Inao est donc en attente. « Si l’on officialise le dépôt du dossier, nous serons contraint, comme la loi l’exige, de mettre en place une procédure nationale d’opposition, prévient Thierry Fabian, responsable du centre Inao à Caen. Ce serait dommage que l’on ait des oppositions dès le démarrage du dossier car le produit est intéressant. »
Une réunion doit avoir lieu à la rentrée entre les éleveurs et l’Inao pour tenter de sortir de l’impasse. De fait, tout le monde est d’accord pour faire démarrer le dossier. « Nous nous faisons l’intermédiaire entre le syndicat et l’Inao et nous travaillons en appui technique et financier sur le cahier des charges, précise Xavière Lagadec, chargée de mission d’Irqua-Normandie. Ainsi, le lien au terroir a pu être renforcé par une caractérisation plus fine des prairies et la mise en place d’un plan de contrôle avec les points de passages obligés est maintenant présente. Le dossier est prêt, mais il ne sera examiné qu’après les résultats de la procédure nationale d’opposition. »
Si les 150 éleveurs composant le syndicat ont un potentiel de 1 500 animaux, on peut très vite arriver à 60 000 bœufs grâce à l’entrée de nouveaux éleveurs dans le projet. Reste la question des débouchés : « Pour l’instant, c’est difficile de faire abattre en grande quantité, regrette Franck Guesdon. Nous ne sommes présents que sur le circuit court avec quelques bouchers et de la vente directe. Pour l’instant, le bœuf normand est un “bouche-trou” et l’on n’arrive pas à décider les entreprises à abattre systématiquement. »